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RUE PRINCIPALE

maines. Que se passait-il ? Quel événement pouvait bien justifier ce brusque changement d’attitude et d’humeur ?

— Mais oui, reprit Marcel, je vais danser. C’est de mon âge, pas vrai ?

— Tu vas danser où ?

— À l’hôtel Saint-Louis.

— Tu vas danser ici, à Saint-Albert ?

— Où veux-tu que j’aille ?

— Es-tu devenu fou ?

— Non, Ninette, au contraire ! Oui au contraire, j’ai l’impression d’être revenu à la raison.

— Mais enfin, qu’est-ce qui s’est passé ? On te dit des injures au téléphone et tu ne te fâches même pas ; tu reçois deux autres de ces lettres stupides et tu prends ça avec le sourire ! Et là, tu m’annonces que tu vas danser ! Toi qui, ce matin encore, évitais de te trouver nez-à-nez avec les gens !

— Ce matin, ma chère Ninette, j’étais dans l’erreur la plus profonde ! Et là, si tu voulais être bien gentille, tu presserais ma cravate bleue avec des petits pois blancs.

— Tu n’as pas bu ? demanda Ninette.

— Pas même un verre d’eau ! Seulement j’ai réfléchi, et j’ai décidé qu’à partir d’aujourd’hui, au lieu de me terrer dans mon trou comme un animal traqué, j’allais me promener en plein soleil, en pleine lumière, le sourire aux lèvres, et en me payant autant que possible la tête des gens.

— Mais pourquoi cette volte-face ?

— Pourquoi ? Mon Dieu, ma petite Ninette, ça serait peut-être un peu long à t’expliquer. Mais sache que j’ai rencontré, cet après-midi, quelqu’un qui m’a fait voir tout ce que mon attitude avait de faux ; qui m’a fait comprendre que je pouvais me