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RUE PRINCIPALE

Et déjà la soucoupe, pleine jusqu’aux bords, était à portée de la gourmandise du chat.

Ninette alla mettre son manteau, camper sur ses ondulations un petit chapeau de rien du tout ; elle perdit trente secondes à chercher ses gants et quinze à trouver son sac. Elle fit trois pas, se rappela qu’il lui fallait un mouchoir, refit les trois pas en sens inverse, ouvrit un tiroir, prit un minuscule carré de batiste, le glissa dans son sac, sortit de sa chambre et s’arrêta, à la fois surprise et effrayée, en mettant le pied dans la cuisine.

Le petit chat noir, non seulement n’avait bu que la moitié de sa soucoupée, mais il était là, couché sur le flanc, battant des quatre pattes, et comme en proie à de violentes convulsions. Que faire ? Onze heures moins huit ! Ramasser la pauvre bête et la porter à ses maîtres ? Encore aurait-il fallu oser y toucher. Et Ninette avait peur. Pourtant, il fallait faire quelque chose ! Onze heures moins sept ! Le battement des pattes était moins violent, plus spasmodique aussi: et le corps, le pauvre petit corps si maigre, semblait s’allonger d’une façon ridicule, impossible !… Était-il croyable que ce tout petit chat put avoir le corps si long ? Onze heures moins six.

— Tiens, il ne bouge plus, il ne bouge plus du tout.

Onze heures moins cinq.

— Mon Dieu, qu’est-ce que je vais faire ?… Il faut que je fasse quelque chose !

S’en aller ? Laisser là, à côté de la soucoupe, le corps du pauvre petit Minou et ne s’en occuper qu’à six heures, au retour ? Évidemment, c’était le parti le plus sage. Et si pourtant la bête n’était pas morte ? Si, dans quelques minutes ou dans quelques heures, elle allait revenir à elle ? Les chats, comme les gens, peuvent-ils perdre connaissance ?