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RUE PRINCIPALE

— Puis pourquoi donc ça, batèche ? demanda Mathieu.

Sénécal hésita un instant.

— Ben ça, mon cher Mathieu, je ne suis pas capable de te le dire, mais jeudi soir, à l’assemblée contradictoire, tu vas voir qu’il va éclater une bombe, et que ton Lecrevier va rentrer six pieds sous terre s’il en est capable.

— Bah ! fit Girard, on les connaît les bombes à Blanchard, farine d’avoine ! C’est pas ça qui nous fait peur.

— Non certain ! surenchérit le boucher, surtout si ça ressemble à sa dernière ! Puis tu peux dire à Blanchard que s’il a une bombe à faire éclater jeudi prochain, il fait mieux de faire ben attention avant de la lancer : parce que nous autres, en fait de bombes, on en a une demi-douzaine à sa disposition, et que si c’est un bombardement qu’il veut, il va être servi dans les grands prix !

— Oui certain ! approuva Girard.

— Et tu peux lui dire aussi, poursuivit Mathieu, que si ça dépend rien que de nous autres, le jour où il pourra plus s’acheter des cigares de trente-cinq cents avec l’argent de la municipalité est à la veille de se lever.

— Eh bien moi, si vous voulez mon avis, répliqua Sénécal, on va débarquer Lecrevier sans misère, comme on a débarqué son fameux monsieur Bernard.

— Monsieur Bernard ? s’étonna Mathieu. Personne ne l’a débarqué ! Il est parti parce qu’il l’a bien voulu.

— En tout cas, conclut Sénécal, c’est un beau numéro votre monsieur Bernard ! Lui puis son secrétaire Marcel Lortie, ça fait une jolie paire. Un vieux croche qu’on ne sait même pas d’où il vient,