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XXII

où cunégonde crie vengeance

Comme tous les matins, ou presque, Marcel s’était levé plus tard qu’il n’était raisonnable, et avait dû, afin d’arriver à l’heure chez monsieur Bernard, se contenter d’une tasse de café hâtivement avalée. Sitôt son frère parti, Ninette s’était mise, plutôt machinalement, à vaquer aux travaux prosaïques mais indispensables de la maison.

Elle époussetait consciencieusement, encore que sans enthousiasme, les meubles du salon, lorsque le timbre de la porte d’entrée résonna trois fois, ce qui était la sonnerie particulière de mademoiselle Cunégonde Décarie. Cunégonde hors de chez elle à neuf heures du matin ! C’était là le signe certain d’un événement anormal. Ninette s’en fut ouvrir, en proie à une curiosité qui ne fit que s’accroître, lorsqu’elle aperçut sa compagne de travail. La méticuleuse, la soigneuse demoiselle Décarie avait le chapeau en bataille sur ses bigoudis, le manteau boutonné de travers et les pieds chaussés de pantoufles.

— Bonjour ! dit-elle.

Et elle entra tête première.

Tandis que Ninette, surprise, refermait la porte, Cunégonde se laissa tomber dans un fauteuil.

— Qu’est-ce qui vous arrive ? demanda Ninette.

— Ce qui m’arrive, bout de peanut ! Si vous saviez, ma pauvre Ninette, si vous saviez !