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LES LORTIE

Dix secondes plus tard, l’échelle était dressée, et Marcel avait déjà le pied sur le premier échelon, quand un bras lui tendit un imperméable.

— Tiens ! mets ça, ça te protégera toujours un peu.

Tous les yeux étaient fixés sur ce nouveau drame, dérivé du premier, et dont l’acteur était un jeune homme que, la veille encore, la moitié de ces gens-là accablaient de leur mépris.

— Vous me dites pas qu’il a envie de monter dans cette fournaise là, lui ?

— Il est fou, ma parole !

— Vous savez bien que ça sert à rien !

— Autant dire qu’il a le goût de se suicider !

— Taisez-vous, il monte là !

— Il monte !

— Qui c’est donc ça ?

— Marcel Lortie ! D’où c’est que vous sortez donc vous, la mère ?

— Taisez-vous donc !

— Oui, taisez-vous !

Un à un, Marcel gravissait les degrés de l’échelle. Haletante, la foule s’était tue. Seul le crépitement des flammes, auquel se joignaient maintenant des craquements précurseurs d’effondrement, emplissait, de son bruit sinistre, cette nuit de novembre. Le haut de l’échelle se cachait dans la fumée, et Marcel disparut à la vue de tous, longtemps avant d’avoir atteint la fenêtre.

Que se passait-il derrière cet écran ? Le jeune sauveteur allait-il trouver un cadavre ou un être vivant ? Aurait-il le temps de ramener son fardeau à l’air libre, avant l’écroulement ? Pourrait-il seulement pénétrer dans cette maison en flammes ?

C’est ce que chacun se demandait, lorsqu’enfin — mieux vaut tard que jamais — on entendit les cloches et les sirènes de la brigade des pompiers.