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LES LORTIE

Il avait approché un fauteuil du sien et il lui fit signe de s’asseoir.

— Vous ne vous doutez pas, dit-il, que voilà plus d’une demi-heure que je suis là à regarder les aiguilles de ma montre et à espérer vous voir arriver avec une avance suffisante pour nous permettre de bavarder un bon moment, avant que vous ne soyez forcée d’aller vous enfermer, pour de longues heures, dans votre affreuse petite cage vitrée.

— Mais justement, répondit-elle, ne suis-je pas arrivée plus de dix minutes avant l’heure ?

— Dix minutes ! Évidemment, admit-il, j’aurais mauvaise grâce à ne pas m’en contenter ; mais quelle joie serait la mienne, ma petite Ninette, si je savais que c’est le désir de me voir plus tôt, qui vous fait arriver ainsi avant l’heure !

Mais voyant naître un sourire sur les lèvres de la jeune fille, il s’empressa d’ajouter :

— Rassurez-vous, je n’ai pas cette fatuité. D’ailleurs, le principal c’est que vous soyez là, plus jolie que jamais, et que vous ne me disiez pas que quelque chose vous empêche de sortir ce soir.

— Mais rien du tout, répondit-elle, à moins que vous n’ayez changé d’avis.

— Moi, changer d’avis ! s’écria-t-il. Changer d’avis quand vous me faites la joie d’accepter mon invitation ? Mais vous savez bien qu’il faudrait, pour cela, au moins un tremblement de terre ! Si vous aviez conscience de votre charme, de la joie qu’il procure à ceux qui ont la chance de vivre dans son rayonnement, il ne vous viendrait même pas à l’idée de faire une supposition pareille !

Comme elle le faisait toujours lorsqu’une avalanche de compliments s’abattait sur elle, Ninette rougit violemment. Elle s’en rendit compte et en fut vexée. Lamarre, lui, feignit de ne pas s’en apercevoir, ce dont elle lui fut reconnaissante.