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LES LORTIE

— Je sais pas ce qui peut bien avoir passé par la tête à Léon Sénécal, mais il a fait cession de tous ses biens à son neveu puis à sa nièce !

Ce qui lui avait passé par la tête, nous le savons déjà. Il lui avait fallu se rendre à l’évidence et se plier aux exigences, si draconiennes fussent-elles, de monsieur Bernard et de Bob. Sénécal, il faut lui rendre cette justice, était loin d’être un imbécile, et il n’avait point fallu lui fournir beaucoup de précisions pour lui faire comprendre que cinq mille dollars et le Mexique valaient mieux que pas de dollars du tout et un séjour plus ou moins long derrière les murs crénelés du pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul. Il avait donc mis ses affaires en ordre, avait signé tout ce qu’on avait voulu et avait pris le train, fort heureux de s’en tirer ainsi.

En somme, il s’en tirait à bon compte, et il lui restait, soigneusement caché dans le tréfonds de son âme, l’espoir d’une vengeance future. Ah ! si seulement, au cours de ses pérégrinations, il pouvait rencontrer Suzanne Legault. En voilà une à laquelle il trouverait un certain plaisir à rompre les os !

Mais Suzanne Legault avait quitté Saint-Albert deux jours avant lui, et avait pris une direction opposée à la sienne. Ce qui fit dire à Phil Girard, le boulanger, qui, pour une fois, était du nombre de ceux qui ne savaient rien mais se permettaient d’imaginer tout :

— Tiens, tiens, tiens, farine d’avoine ! Ça serait-il possible qu’ils auraient sapré leur camp ensemble, ces deux-là ?

Mais lorsque l’ouvrier, après avoir gratté le nom de Sénécal, y substitua, sur la vitrine du magasin, celui de Lamarche, l’étonnement fut à son comble. Comment ? Simonne et André Lamarche succédaient à leur oncle ! Mais André ne s’était-il