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RUE PRINCIPALE

À cet instant, la sonnerie du téléphone fit vibrer les vitres de la cage. C’était le téléphone intérieur, celui qui reliait la caisse à la direction. Cunégonde décrocha le récepteur en rougissant légèrement. Monsieur Lamarre lui inspirait à la fois tant de crainte et de respect !

— Allô ? dit-elle.

À l’autre bout du fil, la voix directoriale répondit :

— Mademoiselle Décarie, veuillez passer dans mon bureau, je vous prie.

— Cer… certainement, monsieur Lamarre, tout de suite !

Comme fauchées par un obus de gros calibre, les piles de monnaie si savamment construites par Cunégonde, s’effondrèrent dans le tiroir.

— Louis ! Louis ! cria la pauvre Cunégonde affolée, jetez donc un coup d’œil sur la caisse, voulez-vous ?

Mais Louis n’eut pas à répondre. Avant qu’il n’eût le temps d’ouvrir la bouche, la caissière avait disparu. Dix secondes plus tard, elle faisait chez monsieur Lamarre une tremblante entrée.

— Asseyez-vous, mademoiselle Décarie, je vous en prie, lui dit le directeur.

Elle s’assit où elle était, sans se préoccuper s’il y avait, derrière elle, une chaise pour la recevoir. Sa bonne étoile fit qu’il y en eut une.

Monsieur Lamarre avait un air grave, solennel même, qui ajoutait à la terreur de Cunégonde.

— J’ai reçu une lettre hier, dit-il, et une autre ce matin, qui m’ennuient énormément. Je sais que vous avez beaucoup d’amitié pour mademoiselle Lortie, et c’est pour ça que je vais vous mettre franchement au courant de la situation. Vous pour-