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Joachim du Bellay dans la Deffence et Illustration de la langue française, ne voulant point qu’on contremine l’italien en françois.

Il fut un écrivain très fécond, mais il laissa toujours apparaître dans ses ouvrages ses qualités ou défauts de régent. Pour les représentations théâtrales qui se donnaient toujours à la fin de l’année scolaire, il composa des drames dont nous sont restés quelques-uns qui ont encore toutes les qualités des moralités moyenâgeuses. Le Chant natal (1539) a été appelé à tort la première opérette ; il se base sur le mystère de la nativité et des mélodies populaires. Le Lyon marchant (1542) est une pièce satirique sous forme d’allégorie, à peu près dans le genre des „revues“ parisiennes de nos jours. Dans les Décades (dizains) de la description, forme et vertu naturelle des animaux (1549 et 1550), il suit le chemin battu et rebattu des vieux bestiaires. Dans le roman moral et allégorique Alector ou le Coq {1560) il est encore complètement sous l’influence des grands rhétoriqueurs. Le reste de ses œuvres, pour lequel je renvoie à Colonia[1] et à Montfalcon[2], consiste surtout en traductions et en livres de classe et d’occasion dont je fais grâce au lecteur.

Quand on pense que la plupart des Lyonnais lettrés ont passé sous la férule de ce pédant, on se gardera de taxer trop bas l’influence qu’il a exercée sur le courant des idées à Lyon. Malgré son pédantisme et son esprit conservateur, c’était un homme qui ne manquait pas de bon sens et qui pouvait se mesurer avec tout Lyonnais quant au savoir universel. Un extérieur agréable, un caractère sociable et une parole facile le faisaient rechercher dans le monde. Mais son influence ne fut pas très favorable au développement de la littérature : par sa critique souvent trop juste et par sa satire âpre et blessante, il enrayait l’élan des jeunes novateurs et ralentissait ainsi la marche de la Renaissance lyonnaise.

Lyon ne manquait donc pas de points d’attraction pour des savants ; surtout pour des humanistes. Résumons encore une fois : une société bourgeoise, riche, qui avait conçu le besoin d’instruction et de jouissances artistiques et littéraires dans son commerce avec les hommes les plus avancés du siècle et dans une série ininterrompue de fêtes magnifiques ; l’imprimerie qui occupait beaucoup de savants comme éditeurs et correcteurs ; le Collège de Médecine qui allait compléter une instruction encore trop peu universelle ; l’Ecole de la Trinité qui ne dépendait que très peu du clergé, et point de l’Etat, et qui répondait si bien à cet idéal de l’école de la Renaissance qu’on pouvait y être en même temps

  1. Colonia, Hist. litt. II. 698.
  2. Montfalcon, Hist. mon. II. 50—53.