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rétiques qu’il y eût alors en France. Marot chercha à fléchir sa dureté par un long panégyrique[1].

Mais les Lyonnais eurent le plaisir de faire fête au poète, qui, de son côté, n’avait point oublié les marques d’amitié et d’admiration qu’il avait reçues de Lyon pendant sa disgrâce et son exil à Ferrare. Il était heureux de retrouver de vieux amis, tels que Victor Brodeau. Il plaignit la mort de Claude Perréal, fils de l’architecte et peintre Jean Perréal, dans un rondeau adressé à ses sœurs et à ses amis. Il était fêté dans la société humaniste de Lyon et chantait à son tour ses amis Etienne Dolet et Bourbon de Vandœuvre. Un jour il invita à dîner trois poètes : Boissonné, Villas et la Perrière.

Ce qui l’attirait surtout à Lyon, c’était la société mondaine de cette ville, ses femmes si gaies et si instruites, fières de savoir répondre en vers aux compliments rimes du célèbre poète. Clément Marot fut ainsi une célébrité des salons lyonnais et les faveurs ne lui manquèrent point. Une Épigramme à une Dame de Lyon qui se trouve dans ses œuvres, contient une invitation très hardie, et la Responce de ladicte Dame est bien engageante. Une autre épigramme est adressé à deux Sœurs Lyonnaises[2], auprès desquelles il s’excuse de ne pouvoir leur rendre une visite.

Il sut se faire une amie plus intime — Jeanne Gaillarde[3] — avec qui il entretint toute une correspondance poétique. Dans un rondeau il la compare à Christine de Pisan pour son instruction, son éloquence et sa veine poétique. La réponse de la belle poétesse est très humble et pleine d’admiration pour l’illustre auteur. Dans une épigramme, il la désigne comme le bijou le plus rare de Lyon, ville qu’il chante en dithyrambes emphatiques. Pourtant j’ose exprimer le soupçon que Jeanne Gaillarde ne fut qu’une courtisane ; elle n’appartenait point à une des familles connues, qui auraient pu donner à leur fille une instruction aussi vaste. Le nom de „Gaillarde“ est en lui-même assez significatif, surtout au féminin, et, sans la désignation de „Dame“ ou de „Damoyselle“ il est moins un nom de famille qu’une épithèté telle qu’on en donnait alors aux courtisanes. Mais ce n’est qu’une hypothèse qu’il serait aussi difficile de prouver que de rejeter ; nous reviendrons du reste là-dessus quand nous parlerons des autres femmes poètes de Lyon.

  1. Épître à Monseigneur le Cardinal de Tournon, Marot retournant de Ferrare à Lyon.
  2. Peut-être Claudine et Sibylle Scève. Marot a composé encore des Estrennes pour Jeanne Scève et Jeanne Fay, Lyonnaises.
  3. Montfalcon prétend avoir retrouvé un recueil manuscrit des poésies de Jeanne Gaillarde ; je ne sais pas ce qu’elles sont devenues. Hist. mon. p. 105.