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tandis que la Vierge y est passée sous silence avec tous les saints et tous les dogmes qui appartiennent exclusivement à la confession catholique[1].

Quelle fut la position des deux Scève vis-à-vis de ces questions religieuses ? Ils semblent avoir été trop prudents pour s’exposer aux persécutions en s’exprimant clairement à ce sujet dans des ouvrages destinés à tout le monde. Mais je n’ai trouvé dans aucun vers de Guillaume ou de Maurice Scève l’ombre d’une idée ou d’une sympathie catholiques, bien que l’occasion de dire son avis se fût présentée plus d’une fois. La liste de leurs amis parle un langage plus clair et plus sûr que ne le sont des preuves construites sur l’absence des documents. Guillaume Scève est l’ami très intime de Boissonné et de Dolet, et leur amitié date justement des jours où Jean Cadurce était brûlé vif à Toulouse pour des idées prétendues hérétiques, et où Boissonné n’échappait au supplice que par une abjuration publique. Étienne Dolet a écrit à cette occasion deux invectives contre les Toulousains[2] auxquelles Guillaume Scève a donné son approbation par une épigramme latine imprimée avec elles. Comme son cousin, il est ami de Bourbon, de Visagier et de Ducher qui sont certainement des évangéliques ; personne de ceux qui ont lu leurs vers n’en doutera.

La plupart des raisons que nous avons alléguées pour Guillaume Scève conservent leur valeur pour Maurice. Ajoutons pour lui qu’il est l’ami de Marot avec qui il est entré en correspondance poétique pendant que celui-ci est exilé à Ferrare pour cause de religion. Il est couronné poète par Renée de France, et le prochain chapitre le montrera en relations amicales avec une autre princesse protestante : Marguerite de Navarre et toute sa suite de réformateurs et de poètes.

Revenons aux causes du déclin de la poésie humaniste à Lyon. Pendant ses guerres heureuses contre Charles-Quint, François Ier se sentait très libre vis-à-vis du pape et de l’empereur, et n’avait d’autre obligation que celle de plaire aux princes protestants ennemis de celui-ci, et aux Suisses, surtout aux puissants seigneurs de Berne et de Zurich. Il était donc très disposé à laisser toute la liberté possible aux humanistes français ; quand il n’était pas sous une influence funeste de politique extérieure, François Ier était toujours le roi de la Renaissance, le père des lettres. De 1536 à 1538 il n’y eut point de persécutions contre des nova-

  1. Buisson. Seb. Castellion. p. 50 ff.
  2. Stephani Doleti Orationes duat in Tholosam. Eiusdem Epistolarum libri II, Eiusdem Carminarum libri II. Ad eundem epistolarum amicorum liber. Lyon, S. Gryphe 1534.