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APOLLONIUS.

ploit héroïque [1]. Cet imposteur avait fait le singe du fils de Dieu par rapport à diverses choses ; mais sur l’article de la soumission et de la patience, il se démasqua, il donna du nez à terre. Point de parallèle là-dessus.

(C) Sa vie a été amplement décrite par Philostrate. ] Celle que Damis, originaire de Ninive, le plus attaché à lui de tous ses disciples, avait composée, n’était proprement que des mémoires assez mal écrits [2]. Ils tombèrent entre les mains de l’impératrice Julie, femme de Sévère. Elle les donna à Philostrate, qui, sur cela, et sur ce qu’il put tirer des ouvrages d’Apollone même, et de quelques autres mémoires, composa l’histoire que nous en avons. Il parle d’un Maxime d’Eges qui avait composé un livre sur Apollone, et d’un Mœragène qui en avait écrit quatre livres ; mais il ne veut point qu’on s’arrête à ce dernier [3]. Voyez, dans la remarque (I), d’autres auteurs de la Vie d’Apollonius. Quant à celle que Philostrate a composée, elle fut premièrement imprimée en grec, à Venise, par Alde Manuce, avec le traité d’Eusèbe contre Hiéroclès. Ce traité fut mis en latin par Zénobius Acciatoli : la Vie d’Appollonius fut traduite en la même langue, par Alemannus Rhinuccinus, Florentin. On imprima le latin de ces deux ouvrages, à Cologne, l’an 1532, in-8o, avec plusieurs corrections, et plusieurs petites notes marginales de Gisbert Langolius. L’édition de Paris de toutes les œuvres des Philostrates, par les soins de Frédéric Morel, est meilleure que celles qui avaient précédé ; mais il serait à souhaiter que quelque grand grec voulût corriger la version latine. Il y trouverait bien des choses qui demandent la main d’un bon médecin. Voyez la remarque (I), et la citation (n) au sujet de la traduction de Vigénère.

(D) Les païens étaient fort aises d’opposer les prétendus miracles de cet homme à ceux de Notre-Seigneur. ] On n’a qu’à voir l’ouvrage d’Eusèbe [4] contre un certain Hiéroclès, grand ennemi de l’Évangile sous l’empereur Dioclétien. Il paraît que le but d’Hiéroclès, dans le traité qu’Eusèbe réfute, avait été de faire un parallèle entre Jésus-Christ et Apollonius de Tyane, où il donnait la préférence à ce dernier. Ces paroles de Lactance confirment ce que je viens de dire : Item cùm facta Jesu Christi mirabilia destrueret nec tamen negaret, voluit ostendere Apollonium vel paria vel etiam majora fecisse [5]. Ce qu’a dit M. de Tillemont est remarquable : Apollone, dit-il [6], a été [* 1] l’un des plus dangereux ennemis que l’Église ait eus dans sa naissance, par l’innocence apparente de sa vie, et par ses miracles prétendus. Le [* 2] démon semble l’avoir mis au monde, selon ses propres panégyristes (vers le même temps que Jésus-Christ y voulut paraître, ou pour [* 3] balancer son autorité dans l’esprit de ceux qui prendraient les illusions de ce magicien pour de vrais miracles,) ou afin que ceux qui le reconnaîtraient pour un vrai fourbe, et pour un magicien, fussent portés à douter aussi des merveilles de Jésus-Christ et de ses disciples.

(E) Il a reçu de très-grands honneurs, et pendant sa vie, et après sa mort. ] M. de Tillemont lui reproche justement de [* 4] n’avoir pas trouvé mauvais qu’on le traitât de Dieu [* 5], et d’avoir souffert qu’on l’adorât comme une divinité. Que s’il empêcha [* 6] en une rencontre qu’on lui rendît publiquement des honneurs divins, ce fut, dit son historien, par la crainte de l’envie [7]. Les habitans de Tyane bâtirent un temple à leur Apollonius après sa mort [8] : son

  1. (*) Godeau, Hist. de l’Église, pag. 245.
  2. (*) Apollon. Vitâ, lib. I, cap. III.
  3. (*) Godeau, Hist. de l’Église, pag. 246.
  4. (*) Philostr., in Apollon. Vitâ, lib. VIII, cap. II, pag. 376.
  5. (*) Ibidem, lib. VII, cap. X, pag. 346. Voyez aussi lib. I, cap. XIII, pag. 25.
  6. (*) Ibid., lib. IV, cap. X, pag. 189.
  1. Philostr., lib. VII, cap. II.
  2. Tillemont, Hist. des Empereurs, pag. 201. Ex Philostrati lib. I, cap. III.
  3. Tillemont, là même. Ex Philostrati lib. I, cap. II et III.
  4. Dans le volume de Demonstr. Evangel., pag. 511.
  5. Lact. Divinar. Institut. lib. V, cap. III.
  6. Tillemont, Hist. des Empereurs, tom. II, pag. 200.
  7. Tillemont, Hist. des Empereurs, tom. II, pag. 216.
  8. Philostrat.. liv. I, chap. IV, pag. 6. Voyez aussi liv. VIII, chap. dernier.