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APOLLONIUS.

image était ailleurs dans beaucoup de temples [1]. L’empereur Hadrien ramassa les lettres d’Apollonius, autant qu’il lui fut possible, et les mit dans son beau palais d’Antium, avec un petit livre de ce philosophe touchant les réponses qu’il avait reçues de l’oracle Trophonius. Ce petit livre se voyait encore à Antium, lorsque Philostrate vivait ; et il n’y eut point de singularité qui rendît célèbre cette ville, autant que fit ce livret [2]. Antonin Caracalla eut pour Apollonius une extrême vénération : il lui bâtit même un temple, comme à un héros [3]. L’empereur Alexandre avait l’image de ce philosophe dans un lieu particulier du palais, mêlée avec celles de Jésus-Christ, d’Abraham, et des meilleurs princes [4]. Aurélien, résolu de saccager Tyane, ne le fit pas, à cause qu’Apollonius lui apparut, et lui défendit de le faire. Non content d’obéir à cet ordre d’Apollonius, il lui voua une image, un temple, et des statues. Vopisque, en nous apprenant cela, se déclare l’admirateur et le dévot d’Apollonius, et promet d’écrire sa Vie. Le passage, quoique long, mérite d’être rapporté : presque tout y est une preuve du texte de cette remarque : Taceri non debet res quæ ad famam venerabilis viri pertinet. Fertur enim Aurelianum de Thyanæ civitatis eversione vera dixisse, vera cogitâsse : verùm Apollonium Thyanæum celeberrimæ famæ autoritatisque sapientem, veterem philosophum, amicum verum deorum, ipsum etiam pro numine frequentandum, recipienti se in tentorium eâ formâ quâ videtur, subitò astitisse, atque hæc latinè, ut homo Pannonius intelligeret, verba dixisse : Aureliane, si vis vincere, nihil est quod de civium meorum nece cogites. Aureliane, si vis imperare, à cruore innocentium abstine. Aureliane, clementer te age, si vis vincere. Nôrat vultum philosophi venerabilis Aurelianus, atque in multis ejus imaginem viderat templis. Denique statìm attonitus, et imaginem et statuas et templum eidem promisit, atque in meliorem rediit mentem. Hæc ego à gravibus viris comperi, et in Ulpiæ bibliothecæ libris relegi, et pro majestate Apollon magis credidi. Quid enim illo viro sanctius, venerabilius, antiquius, diviniusque inter homines fuit ? Ille mortuis reddidit vitam. Ille multa ultra homines et fecit et dixit : quæ qui velit nôsse, græcos legat libros qui de ejus vitâ conscripti sunt. Ipse autem, si vita suppetat, atque ipsius viri favori usquequaquè placuerit, breviter saltem tant viri facta in literas mittam : non quo illius viri gesta munere mei sermonis indigeant, sed ut ea quæ miranda sunt, omnium voce prædicentur [5]. Ces paroles de Lampridius, touchant le culte de l’empereur Alexandre, ne sont pas moins dignes d’être rapportées. Nous y apprenons que lorsqu’il était en état de le faire, c’est-à-dire, lorsqu’il n’avait point couché avec sa femme, il commençait la journée par des actes de dévotion. Il s’en allait dès le matin dans son oratoire, pour y pratiquer des cérémonies religieuses en l’honneur des patrons qu’il s’était choisis. Apollonius en était un : Usus vivendi eidem hic fuit : Primùm ut, si facultas esset, id est si non cum uxore cubuisset, matutinis horis in larario suo (in quo et divos principes, sed optimos electos et animas sanctiores, in queis et Apollonium, et quantùm scriptor suorum temporum dicit, Christum, Abraham, et Orpheum, et hujuscemodi deos habebat, ac majorum effigies) rem divinam faciebat [6]. « Eusèbe témoigne que de son temps il y avait des personnes qui prétendaient faire des enchantemens, en y mêlant le nom d’Apollone [7]. »

(F) Sa réputation a duré autant que le paganisme. ] M. de Tillemont, qui nie cela, se sert du témoignage de Lactance, et de celui d’Eusèbe. Dès le commencement du quatrième siècle, qui que ce fût, dit-il [8], n’honorait

  1. Vopiscus, in Aureliano, cap. XXIV.
  2. Philostr., in Vitâ Apollonii, lib. VIII, cap. VIII.
  3. Ἠρῶον, Dio, lib. LXXVII, pag. 878, C ; apud Tillemont, Hist. des Empereurs, pag. 219.
  4. Lamprid., pag. 123, apud eumdem.
  5. Vopiscus, in Aureliano, cap. XXIV.
  6. Lamprid., in Alexandro Severo, cap. XXIX.
  7. Euseb., in Hierocl., pag. 476, 477, cité par Tillemont, Hist. des Empereurs, pag. 220.
  8. Tillemont, Hist. des Empereurs, tom. II, pag. 220.