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ARAMONT.

lui d’en être quitte pour la prison. L’impératrice se plaignit à son mari que ce comte lui avait parlé d’amour, et demanda que cette audace ne demeurât point impunie. Le crédule Othon ne manqua pas de faire trancher la tête à l’accusé. Voici comment l’accusatrice eut son tour. Le comte, se voyant condamné et n’espérant point de grâce, et ne voulant pas néanmoins révéler tout le mystère, avait fait promettre à sa femme, qu’elle le justifierait le mieux qu’il lui serait possible auprès d’Othon. Elle lui tint sa parole, garda sa tête, et prit son temps, lorsque l’empereur rendait justice dans une assemblée générale, qui se tenait au milieu d’une grande plaine, auprès de Plaisance ; elle prit, dis-je, ce temps, pour demander que le meurtrier de son mari fut châtié. L’empereur, qui ne la connaissait pas, lui promit justice, selon toute la rigueur des lois. Là-dessus, cette comtesse lui montra la tête de son mari, et s’offrit de justifier son innocence par l’épreuve du feu. Ses offres furent acceptées. On fit apporter un fer tout rouge : elle le prit, et le tint tant qu’on voulut sans se brûler, et puis demanda hardiment la tête d’Othon convaincu d’être le meurtrier de son mari : enfin elle se contenta de la punition de l’impératrice, qu’Othon condamna à être brûlée [a]. Ceci se passa vers la fin du Xe. siècle.

  1. Gotfrid. Viterb. Chronic., parte XVII. Albert Krantz. Cuspinian. in Othone III. Sigonius, cité par Maimbourg, Décadence de l’Empire, pag. 118.

ARAMONT (Gabriel d’), ambassadeur de France à Constantinople, sous le règne de Henri II, était un gentilhomme de Gascogne, qui s’acquitta dignement de son emploi. Le connétable de Montmorenci, examinant l’ouverture que le pape Paul III avait donnée, que le seul moyen de tirer Plaisance des mains de l’empereur était de faire venir la flotte turque sur les côtes de Naples et de Sicile, obligea le roi son maître à négocier sur cela avec Soliman. On choisit Aramont pour cette affaire. Il n’était ni moins adroit, ni moins expérimenté que Laforêt, Rincon et Paulin, qui l’avaient précédé dans cette ambassade. Il se fit des amis à la Porte, qui lui procurèrent un libre accès, et des audiences secrètes : et il sut si bien tourner les choses, qu’il ramena Soliman, que l’on avait un peu prévenu contre les Français. Il ne fut plus question que de savoir à quoi la flotte de sa hautesse serait employée : c’est pour cela qu’Aramont s’en retourna promptement en France, afin de concerter avec son maître les moyens d’employer utilement les secours du grand-seigneur. Le roi et le connétable lui apprirent qu’ils avaient des intelligences dans l’île de Corse, et qu’il serait aisé de s’en emparer, pourvu que la flotte turque et celle de France l’attaquassent en même temps. Il partit avec ce projet pour le communiquer au grand-seigneur : mais dès qu’il eut débarqué à Malte, il fut instamment prié par le grand-maître [a] d’aller trouver les généraux turcs, qui avaient mis le

  1. C’était un Espagnol nommé Omeda.