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ARAMONT.

siége devant Tripoli de Barbarie, et d’employer son crédit et l’autorité de Henri II, pour les obliger à lever le siége. Il eut cette complaisance, et se rendit au camp des Turcs, lorsque leurs batteries commençaient d’être en état [a]. Il eut plusieurs conférences avec Sinan Bassa, et avec Dragut, dans lesquelles il leur remontra qu’ils s’engageaient à une entreprise entièrement opposée au traité que Soliman allait conclure avec la France, puisque sa hautesse était demeurée d’accord de n’attaquer que l’empereur, et que Tripoli appartenait à l’ordre de Malte. On lui répondit que les chevaliers de Malte étaient des parjures qui, nonobstant le serment qu’ils avaient fait à Soliman, lorsqu’ils en furent traités avec tant d’honnêteté à la sortie de Rhodes, faisaient incessamment des hostilités contre les Turcs. On ajouta qu’on avait ordre de les chasser de l’Afrique, et qu’on ne pouvait surseoir l’exécution, de cet ordre. Aramont ne manqua ni d’excuses, ni de répliques ; et, voyant qu’il ne gagnait rien auprès de Sinan Bassa, il se résolut à partir en diligence pour Constantinople, afin d’obtenir de Soliman, s’il était possible, qu’on ne prit point Tripoli. Mais comme son crédit et ses intrigues n’étaient point inconnues au Bassa, il ne put obtenir la permission de continuer son voyage, qu’après la prise de Tripoli. Il sauva la vie et la liberté aux Français qui se trouvèrent dans la place, et assista même à un festin où Sinan et Dragut l’invitèrent après leur conquête. Charles-Quint était trop bon politique pour laisser tomber cet événement : il en prit occasion de publier que la France avait contribué à la prise de Tripoli [* 1]. Henri II fit tout ce qu’il put pour répondre à cette plainte (A). Je n’ai pas eu le temps de chercher la suite des négociations et des aventures d’Aramont. Je sais bien que ses dépêches furent quelquefois interceptées, et que l’empereur s’en servit pour reprocher aux Français leurs intelligences avec les Turcs (B). La relation de son ambassade est en manuscrit dans la bibliothéque de M. de Lamoignon [b].

Je viens de lire une chose qui doit servir d’addition à cet article : Les îles d’Or en Provence, c’est-à-dire les îles d’Hières, furent érigées en marquisat par lettres du roy Henri II, vérifiées au parlement d’Aix ; et de ce marquisat fut investi et ensaisiné le seigneur d’Aramond, ambassadeur de France à Constantinople, pour le tenir en fief du roi, à la charge expresse de bâtir en ces isles des châteaux, tours et forteresses, jusqu’à la somme de cinquante mille escus [c].

  1. * Leclerc, après avoir remarqué que tout l’article Aramont est sans date fixe, ajoute : « Au moins Bayle devait-il marquer que la prise de Tripoli est du mois de septembre 1551. Il paraît que d’Aramont revint en France en 1552. »
  1. Voyez le jugement qu’a fait de cette conduite M. de Wicquefort, au Traité de l’Ambassadeur, liv. II, section V, pag. 110,
  2. Varillas, Histoire de Henri II, p. 200.
  3. Saint-Lazare, Histoire des Dignités Honoraires de France, pag. 400, édition de Paris, en 1635, in-8o.

(A) Henri II fit tout ce qu’il put