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ARISTÉE.

causâ vocabatur, quàm quòd ab eo esset emendata. C’est une erreur. Cette pièce était une tragédie d’Aristarque de Tégée, contemporain d’Euripide. Voyez Scaliger [1].

(H) Il sortit de son école jusqu’à quarante grammairiens. ] On peut le compter pour un chef de secte, témoin ces paroles de Varron : Relinquitur de casibus, in quo Aristarchei suos intendunt nervos [2]. Hoc in oratione diligentiùs quam alii ab Aristarcho grammatici [3]. Voyez aussi les railleries d’Herodicus [4]. Il paraît par Suidas, que l’école d’Aristarque subsista pendant quelques siècles dans Alexandrie [5].

(I) J’aurai quelque chose à dire contre Moréri. ] 1o. Il s’est laisse abuser par Vossius, quand il a dit qu’Aristarque était de Samos [6]. 2o. Il n’y a rien de plus inutile que d’observer qu’Aristarque fut contemporain de Cratès [7]. C’est expliquer une chose obscure par une chose plus obscure, obscurum per obscurius. Il y a eu plusieurs Cratès. Diogène Laërce en compte dix, les uns philosophes, les autres poëtes, ou grammairiens, ou orateurs, ou géomètres, etc. [8]. Ils n’ont point vécu en même temps, ils n’étaient pas du même pays : qu’y a-t-il donc de plus inutile, que de marquer qu’Aristarque florissait au temps de Cratès ? Le plus célèbre de tous ces Cratès est le philosophe cynique. Ainsi, le sens le plus naturel des paroles de M. Moréri est qu’Aristarque a été contemporain de ce cynique : or cela est très-faux ; il y a de grands intervalles entre l’un et l’autre [9]. Cette censure ne regarde point Suétone, qui a dit que Cratès Mallotès était contemporain d’Aristarque ; car il n’y avait guère de gens de lettres au siècle de Suétone qui ignorassent en quel temps avait vécu Aristarque. 3o. Je ne crois point que personne dise que ce grammairien composa neuf livres de corrections de l’Iliade et de l’Odyssée. C’est de Cratès Maillotès, que Suidas assure cela [10], comme Vossius l’observe [11]. Moréri n’a point entendu les paroles de Vossius. 4o. Il est faux que Ptolomée Lathurus fût fils de Ptolomée Philométor. 5o. Je crois qu’au fond il est vrai que notre Aristarque était en vie la 158e. olympiade ; mais, puisqu’Eusèbe et Suidas le font fleurir en la 156e., c’était celle-ci qu’il fallait marquer. Vossius impute à Eusèbe faussement de l’avoir placé à la 158e. [12].

  1. Scaligeri Animadv. in Eusebium, num. 1563, pag. 103.
  2. Varro, de Linguâ latinâ, lib. VII, pag. 96.
  3. Idem, ibid., lib. IX, pag. 134.
  4. Apud Athenæum lib. V, in fine.
  5. Suidas, in Αμμώνιος.
  6. Vossius, de Poëtis Græcis, pag. 67.
  7. Il y a Cretès dans l’édition de 1688.
  8. Diog. Laërt., in Vitis Philos., lib. IV, num. 23.
  9. Diogène Laërce, liv. V, num. 87, dit que Cratès le Cynique florissait environ la 113e. olympiade.
  10. Suidas, in Κράτης.
  11. Vossius, de Poëtis Græcis, pag. 67.
  12. Idem, de Histor. Græcis, lib. I, cap. XVIII, pag. 119.

ARISTÉE, en latin Aristœus, fils d’Apollon et de Cyrène (A). Son article a été donné fort imparfait par M. Moréri, qui s’est borné à nous apprendre, 1o. qu’en poursuivant partout Eurydice, femme d’Orphée, il fut cause qu’elle mourut de la piqûre d’un serpent ; 2o. que les nymphes, pour se venger d’Aristée, firent mourir ses abeilles ; 3o. qu’ayant fait le sacrifice de quelques taureaux, il recouvra ce qu’il avait perdu [a] ; 4o. qu’il fut l’inventeur du secret de tirer le miel, de faire l’huile et le fromage (B). Il avait bien d’autres choses à dire touchant ce fils d’Apollon, car on aurait dû raconter qu’il naquit dans cette partie de la Libye où la ville de Cyrène fut bâtie ; qu’il fut élevé par les nymphes ; qu’étant allé à Thèbes il y épousa Autonoé fille de Cadmus ; qu’il en eut Actéon, qu fut mis en pièces par ses propres chiens ; qu’après la perte de ce

  1. Tout ceci se trouve dans Virgile, au IVe. livre des Géorgiques.