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ARISTON.

riston ; car qui peut comprendre que la santé ne soit pas plus souhaitable que la maladie ? Ut Aristonis esset explosa sententia dicentis, nihil differre aliud ab alio, nec esse res ullas præter virtutes et vitia, inter quas quicquam omninò interesset, sic errare Zenonem, qui nullâ in re nisi in virtute aut vitio propensionem, ne minimi quidem momenti ad summum bonum adipiscendum esse diceret. Et quùm ad beatam vitam nullum momentum ea res haberet, ad appetitionem autem rerum, esse in his momenta diceret ; quasi verò hæc appetitio non ad summi boni adeptionem pertineret [1]. Se faut-il étonner que cette secte n’ait guère duré, puisqu’Ariston même se relâcha dans l’âge le plus favorable à ses maximes ? Il devint ami des plaisirs dans sa vieillesse [2], lorsqu’il lui eût été plus séant d’être rigide et de fer, præfractus et ferreus.

(F) Il disait une chose, qui peut rendre moins odieuse la doctrine d’Aristippe qu’elle ne l’est ordinairement. ] Il disait qu’un philosophe pouvait nuire à des auditeurs qui donnaient un mauvais sens à ses paroles ; que, par exemple, ceux d’Aristippe pouvaient devenir dissolus. N’est-ce pas déclarer que la doctrine de ce philosophe ne produisait cet effet, que lorsqu’elle était mal entendue ? Aristo Chius dicere solebat, nocere audientibus philosophos iis qui benè dicta malè interpretarentur ; posse enim asotos ex Aristippi, acerbos è Zenonis Scholâ exire [3]. Il aurait dû ajouter que tout docteur est donc obligé de s’abstenir d’une maxime ambiguë, ou de prévenir les fausses gloses.

(G) On lui donnait des ouvrages, qui étaient d’Ariston de Céa philosophe péripatéticien. ] Diogène Laërce, ayant rapporté le titre de plusieurs ouvrages de notre Ariston, ajoute que Panætius et Sosicrate les donnaient tous hormis un au péripatéticien Ariston [4]. Il ne dit pas que ce péripatéticien fût natif de l’île de Céa ; mais je conjecture qu’il lui faut donner cette patrie, parce qu’on ne peut entendre cela d’Ariston l’Alexandrin, autre philosophe péripatéticien, qui a vécu sous Auguste, et duquel par conséquent Panætius n’a pu rien dire ; car on peut prouver qu’en l’année 650 de Rome il ne vivait plus [5]. M. Moréri s’est donc trompé quand il a dit qu’Ariston d’Alexandrie est celui à qui plusieurs attribuent quelques traités d’Ariston de Chio. Celui-ci fit un ouvrage de Senectute, dont Diogène Laërce n’a point parlé : peut-être n’était-il qu’une portion de quelque autre livre. Hunc librum de Senectute ad te misimus ; omnem autem sermonem tribuimus non Tithono ut Arisito Chius, parùm enim esset auctoritatis in fabulâ, sed M. Catoni seni, quò majorem auctoritatem haberet oratio [6]. Aldobrandin cite ce passage de Cicéron, comme s’il fallait lire Aristo Ceus [7], mais les meilleures éditions portent Aristo Chius. Il a donc tort de prétendre qu’Ariston de Céa, philosophe péripatéticien, est l’auteur du livre de Senectute. Il est mieux fondé à lui appliquer cet endroit de Cicéron : Hujus (Stratonis) Lysias et oratione locuples, rebus ipsis jejunior. Concinnus deindè et elegans hujus Aristo : sed ea, quæ desideratur à magno philosopho, gravitas in eo non fuit. Scripta sanè et multa et polita, sed nescio quo pacto autoritatem oratio non habet [8]. Cela ne se peut entendre que d’un Ariston philosophe péripatéticien : c’est pourquoi l’on peut reprendre M. Ménage d’avoir cru que ces paroles latines concernent notre Ariston [9].

(H) Voici quelques méprises de Vossius. ] Il dit qu’Ariston d’Alexandrie, philosophe péripatéticien, au temps d’Auguste, est l’auteur d’un Traité du Nil [10]. Sa raison est que Strabon observe qu’il avait vu de son temps deux livres touchant ce fleuve, l’un composé par Eudore, et l’autre par Ariston le pé-

  1. Cicero, lib. IV de Finib., cap. XVII.
  2. Athen., lib. VII, pag. 281.
  3. Cicero, de Naturâ Deorum, lib. III, cap. XXXI.
  4. Diogen. Laërt., lib. VII, num. 163.
  5. Voyez Jonsius, de Scriptor. Hist. Philos., pag. 179, 180.
  6. Cicer. de Senect., cap. I.
  7. Aldobrand., in Diogen. Laërtium, lib. VII, num. 163.
  8. Cicer., de Finib., lib. V, cap. V.
  9. Menag., in Diogen. Laërt., lib. VII, num. 163. On approuve cette Note de M. Ménage dans le Commentaire sur Cicéron de Senectute, editionis Grævianæ.
  10. Vossius, de Hist. Græcis, lib. II, cap. IV, pag. 179.