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ARISTON.

ripatéticien [1]. Mais, continue Vossius, y ayant eu deux Aristons de la secte péripatéticienne, l’un d’Alexandrie, l’autre de l’île de Céa, pourquoi soutiens-je que celui d’Alexandrie a composé le Traité du Nil ? C’est parce qu’il est plus probable qu’un Égyptien a écrit de cette rivière, qu’il n’est probable qu’un insulaire de la mer Égée l’ait fait. Il détruit tout aussitôt cette raison ; car il avoue qu’il est vraisemblable qu’Ariston de Chios, ou qu’Ariston de Céa, ont fait un livre du Nil, puisque le scoliaste d’Apollonius rapporte le sentiment d’Ariston de Chios sur l’origine de ce fleuve [2]. Il aura confondu Chius et Céus, ajoute Vossius. Voilà donc un défaut d’exactitude dans le raisonnement ; mais de plus, on peut censurer ce savant homme de n’avoir pas su la vraie raison pourquoi le Traité du Nil allégué par Strabon doit être plutôt donné à Ariston l’Alexandrin, qu’à Ariston de l’île de Céa. C’est que Strabon parle d’un livre publié de son temps. Or, Ariston de Céa fleurit long-temps avant Strabon, comme Vossius lui-même le reconnaît ; car il rapporte après Diogène Laërce, que Panætius et Sosicrate [3] ont attribué à cet Ariston presque tous les livres qui étaient attribués à Ariston le stoïcien. Lloyd et Hofman ont copié mot à mot tout ce long passage de Vossius, et n’ont pas même oublié de mettre Socrate au lieu de Sosicrate.

  1. Strabo, lib. XVII, pag. 544.
  2. Schol. Apollonii, in IV Argonaut.
  3. Il y a Socrates dans Vossius.

ARISTON (Titus), jurisconsulte romain, sous l’empire de Trajan, était un si honnête homme, et un si savant personnage, qu’il méritait de n’être pas oublié dans le Moréri. Il entendait parfaitement le droit public et le droit civil, l’histoire, les antiquités (A). S’il ne répondit pas promptement aux questions qui lui étaient faites, c’était à cause que par la force de son jugement il remontait jusqu’aux sources des raisons du pour et du contre, afin de les comparer ensemble. Un homme, d’ailleurs, ennemi du luxe, et sans aucun faste, et qui cherchait la récompense d’une belle action dans l’action même, et non pas dans les applaudissemens de la multitude [a]. Il ne faisait point profession d’être philosophe (B) ; mais aucun de ceux qui en faisaient profession ne le surpassait dans la pratique de la vertu. Il fit paraître une fermeté d’esprit incomparable pendant une longue maladie (C), et il pria enfin ses amis de demander aux médecins s’il en pouvait réchapper, et leur déclara, qu’en cas qu’on la jugeât incurable, il se donnerait la mort ; mais que, s’il en pouvait être quitte pour souffrir longtemps, il se résoudrait à vivre, et accorderait cela aux prières de sa femme, et aux larmes de sa fille, et au désir de ceux à qui il parlait [b]. Pline le jeune, l’un d’eux, fait sur cela une bonne réflexion (D), et il exprime admirablement la tendresse de son amitié (E). Les médecins donnèrent d’assez bonnes espérances [c]. Quelques-uns assurent qu’Ariston parvint à une extrême vieillesse (F), mais la preuve qu’ils en apportent est très-infirme. Il fut auteur de quelques livres (G).

  1. Voyez la preuve de tout ceci dans la remarque (A).
  2. Plinius, Epist. XXII, lib. I, pag. 67.
  3. Idem, ibid.

(A) Il entendait parfaitement le droit,... l’histoire, les antiquités. ] Ce que Pline dit sur cela, et sur la vertu d’Ariston, est si beau, que je n’en veux retrancher aucune parole, Nihil est illo (Tito Aristone), dit-il [1],

  1. Plinius, Epist. XXII, lib. I, pag. 65, 66.