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ARNAULD.

premier sentiment pour le fils légitime de sa meilleure connaissance, et le second pour celui de sa complaisance pour la parenté du sieur Arnauld, qui était lors d’un suffisant crédit pour gagner ou obliger un auteur à quelque chose de cette nature [1]. On lui a répondu qu’il faut avoir l’esprit très-mal fait « pour préférer ce qu’un historien reconnaît avoir dit sur de mauvaises instructions à ce qu’il assure comme constant et indubitable, étant mieux informé. S’il y avait bien des gens d’un si méchant caractère, le mal qu’aurait fait un historien, en publiant sur de mauvais mémoires des faussetés préjudiciables à l’honneur du prochain, serait irréparable, puisqu’il aurait beau se rétracter [2] : » on se retrancherait dans la réponse du père Hazart. Voilà cependant, conclut-on, M. Dupleix bien récompensé d’avoir été si partial pour les jésuites dans son histoire. Ils lui font bien de l’honneur, en voulant qu’il ait eu si peu de conscience, que n’ayant rien dit que de vrai, lorsqu’il avait assuré que l’avocat qui avait plaidé contre eux était religionnaire, il s’en soit rétracté en mentant par complaisance. Je ne sache point [3] qu’on ait répondu à la sommation [* 1] de celui qui a publié la lettre de M. d’Heucourt. La sommation était néanmoins pressante, car voici les termes dont on se servait en parlant à M. Arnauld : Cette lettre, monsieur, dont on m’a remis l’original pour vous l’envoyer, demande absolument que vous produisiez votre baptistère ; car ce ne sont plus les jésuites vos ennemis, qui vous reprochent d’être né huguenot. Mais on n’a pas laissé de confondre celui qui a fait imprimer la lettre, puisqu’on a informé le public [4] que M. d’Heucourt la désavouait.

Le public a vu cela dans le journal de M. Basnage [5], et dans un livre qui a paru depuis la première impression de cet article ; je veux dire dans l’Histoire abrégée de la Vie et des Ouvrages de M. Arnauld. Voici de quelle hauteur celui qui l’a composé a traité cela dans les pages 17 et 18. On ne s’amuse point à réfuter ici l’impertinent auteur d’un Avis important à M. Arnauld, etc., où l’on produit l’extrait d’une prétendue lettre de M. le marquis d’Heucourt, pour prouver que M. Arnauld était né calviniste, aussi-bien que son père. Tout cela n’est qu’imposture. On a en main, non-seulement l’extrait du baptistère, que ce donneur d’avis désirait que l’on produisît, mais encore un désaveu en forme de la main de ce marquis, daté de Bronton, près de Londres, le 15/25 mai 1692, où il déclare qu’il ne sait ce que c’est, que la lettre ne fut jamais de lui, et que c’est une pièce malicieusement et faussement composée. Je trouve infiniment probable qu’un des frères de notre Arnauld l’avocat se fit huguenot [6] ; car une personne, qui pouvait bien le savoir, m’a écrit que madame de Feuquières [7], et madame d’Heucourt sa sœur, qui, du côté paternel, étaient nièces de cet avocat, ont été de la religion jusqu’à leur mort. La même personne m’a écrit qu’Isaac Arnauld, ministre de la Rochelle, et auteur d’un livre intitulé Mépris du monde, était de la même famille que M. Arnauld. Cet ouvrage a été imprimé plus d’une fois ; car l’édition de Rouen, en 1637, porte qu’il a été revu, corrigé et augmenté de trois traités par l’auteur : savoir, Résolutions vertueuses ; de l’Obéissance due au roi ; Méditation sur la vieillesse [* 2].

(E) Il eut de son mariage... vingt-deux enfans. ] L’aîné s’appelait Robert. C’est celui qui s’est rendu si célèbre sous le nom d’Arnauld d’Andilli :

  1. * Le Baptistère ayant été imprimé à la page 4 de la Justification de M. Arnauld, docteur, etc., 1702, Leclerc reproche à Bayle d’avoir dit qu’on n’avait point répondu à la sommation. Bayle avertit lui-même dans sa remarque, note (10), qu’il écrit en 1694. La seconde édition est de 1702, et l’impression en était avancée, peut-être même achevée, quand parut la Justification ; Bayle ne pouvait donc en parler.
  2. * Bayle donne la remarque (A) de son article Durant comme pouvant se joindre ici. Voyez ci-dessus sa note (13). Leclerc croit que Bayle a commis quelque erreur dans sa généalogie de la famille Arnauld.
  1. Voyez le IVe. Factum pour les petits-neveux de Jansénius, pag. 20.
  2. Là même.
  3. On écrit ceci l’an 1694.
  4. Dans l’Histoire des Ouvrages des Savans, mois de novembre 1692, pag. 134.
  5. C’est-à-dire, dans l’Histoire des Ouvrages des Savans. Voyez la citation précédente.
  6. Voyez la remarque (A), de l’article de (Samuel) Durant.
  7. Femme de celui qui fut battu devant Thionville.