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AUSONE.

firmatif d’une maxime que Juvénal a proposée, que quand il plaît à la fortune, on passe de la fonction de rhétoricien à la charge de consul [a]. Il fut effectivement élevé au consulat par l’empereur Gratien, l’an 379 [b], après avoir exercé d’autres charges très-considérables ; car outre la dignité de questeur, dont il avait été honoré pendant la vie de l’empereur Valentinien, il avait été créé préfet du prétoire en Italie, et dans les Gaules, depuis la mort de ce prince [c]. Le remercîment qu’il fit à l’empereur Gratien, pour la promotion au consulat, est une excellente pièce. On ne sait pas bien le temps de sa mort ; mais on ne saurait douter qu’il ne fût encore en vie l’an 388, et même l’an 392, et qu’il n’ait vécu long-temps (C). Il avait épousé une femme qui mourut jeune, et qui était de bonne maison [d]. Il en eut quelques enfans, et ne se remaria point. Il fut fort considéré de l’empereur Théodose, et quelques-uns croient que ce monarque lui conféra la dignité de patrice [e]. Ils se fondent sur une lettre qu’on trouve au commencement des œuvres d’Ausone, dans la plupart des éditions. On ne peut rien voir de plus obligeant que cette lettre. Il y a des critiques qui la jugent supposée, mais ils ne sauraient nier que cet empereur n’ait fort estimé les poésies d’Ausone, et qu’il ne l’ait exhorté à les publier ; car cela paraît par une préface qui est incontestablement de ce poëte. Il y a une extrême inégalité entre ses ouvrages, soit que ses muses fussent un peu trop journalières, soit que l’on ait inséré dans ses poésies quelques pièces qu’il n’avait fait qu’ébaucher, soit que des raisons particulières l’aient obligé à laisser courir des vers qu’il n’avait pas eu le temps de polir. Généralement parlant, il y a des duretés dans ses manières, et dans son style ; mais c’était plutôt le défaut du siècle, que celui de son esprit. Les fins connaisseurs devinent sans peine, que s’il avait vécu au temps d’Auguste, ses vers eussent égalé les plus achevés de ce temps-là, tant il paraît de délicatesse et de génie dans plusieurs de ses écrits. Quoique l’opinion générale le fasse chrétien, il y a d’habiles gens qui croient qu’il ne l’était pas (D) : s’ils se fondent, ou sur quelques vers lascifs qu’il a composés (E), ou sur la manière dont il condamna la solitude de Paulin, ou sur l’amitié intime qui était entre le païen Symmaque et lui, ils s’abusent grossièrement. Ce sont néanmoins les raisons les plus spécieuses qu’on ait alléguées. Rittershusius a regardé comme un grand prodige cette amitié [f]. Les erreurs de Scaliger (F) et les principales éditions d’Ausone (G) seront ci-dessous le sujet de deux remarques, et je n’oublierai pas de re-

  1. Si fortuna volet, fies de rhetore consul.
    Juvénal., Sat. VII, vs. 197.

  2. Et non pas l’an 382, comme l’assure Vinet, dans ses Notes sur le Remercîment d’Ausone.
  3. Voyez la remarque (F).
  4. Auson., in Parental, cap. IX.
  5. Albertus Petrus Rubenius, Dissert., de Vitâ Fl. Mallii Theodori, pag. 81.
  6. Rittershusius, in Epist. ad Solom. Pantherum.