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BAUDOUIN.

dans l’intrigue du consistoire, et s’en était servi plusieurs années en qualité de secrétaire. Mais, soit que l’humeur de Baudouin fût extraordinairement inconstante, comme les calvinistes lui reprochèrent depuis, ou qu’il eût reconnu que le calvinisme n’était qu’une hypocrisie raffinée, comme il le publia dans une piquante apologie, il se retira de Genève à Heidelberg[1]. Bèze n’était pas encore de la religion, quand Baudouin reçut de Calvin tant de marques d’amitié. Baudouin, après les avoir reçues, ne s’en alla point à Heidelberg : il s’en retourna en France, et fut professeur à Bourges pendant sept ans. J’avoue qu’après cela il fut retrouver Calvin à Genève[2], mais il s’y arrêta peu : il y essuya une rude réprimande ; il y témoigna son repentir, et se transporta bientôt à Strasbourg, par le conseil de Calvin, et il n’enseigna le droit à Heidelberg, qu’après l’avoir enseigné dans Strasbourg. Quùm illa bituricensis conditio eum gravaret (ostentatio enim, quâ solâ pollet, evanuerat, ut spei et votis minimè satisfaceret) non dubitavit huc se recipere : et quùm undique liberis eum convitiis exagitârint qui priùs amici fuerant, humaniter à me impetratâ veniâ admissus fuit. Feci quidem quod necesse erat, ut severâ objurgatione correctus lapsus sui fœditatem agnosceret. Serviliter assensus est, et adulatoriè meis se consiliis regendum permisit. Argentinam profectus nomen dedit apud pastorem et seniores gallicanæ ecclesiæ[3]. Voilà comment M. Varillas s’instruisait des choses dont il se mêlait de parler.

(C) Il fut attiré par Antoine de Bourbon, roi de Navarre. ] Les uns disent qu’il était alors en Lorraine, à la suite du prince Casimir, fils de Frideric comte palatin[4] ; les autres, qu’il était revenu en France avec l’héritier du comte palatin, qui venait saluer Charles IX, à son avénement à la couronne[5]. Mais tout cela n’effleure pas même l’écorce de l’intrigue que Théodore de Bèze a racontée. Il dit qu’après la mort de François II, ceux qui craignirent de perdre leur autorité à la cour de France, travaillèrent principalement à faire rentrer dans la communion romaine le roi de Navarre[6]. Ils l’engagèrent à envoyer un ambassadeur à la cour de Rome, sous l’espérance, ou de recouvrer son royaume, ou d’en obtenir un autre du roi catholique, par les bons offices du pape. Ils lui firent espérer d’un autre côté, par des personnes apostées, que les protestans d’Allemagne se pourraient unir en sa faveur pour lui faire recouvrer la couronne de Navarre, et surtout si l’on pouvait moyenner une concorde de religion. Ils lui parlèrent d’un professeur d’Heidelberg, nommé Baudouin, qui serait propre à négocier de telles affaires. Il le fit venir en France : il conféra avec lui ; et le jugeant propre à trouver des voies d’accommodement de religion, il le mit en œuvre : et après quelques ébauches préparées à Paris, il le renvoya en Allemagne, et le chargea nommément de consulter avec Cassander. Cette intrigue destinée à rompre le colloque de Poissy ne le rompit point. Les ministres y avaient déjà comparu deux fois, lorsque Baudouin fut de retour, chargé d’un projet de concorde imprimé à Bâle[7]. On le gronda d’être revenu trop tard : il trouva changé l’évêque de Valence, qui lui avait promis une profession en droit. Tout ce qu’il put obtenir fut la charge de précepteur du fils naturel du roi de Navarre. Il s’en alla à Paris, et se fit valoir par des leçons où il joignit le droit civil avec l’histoire ; mais il perdit sa réputation, quand on eut lu le livre qui fut publié contre l’accommodement des religions qu’il avait apporté d’Allemagne. Il prit le parti de se défendre, et d’écrire contre Calvin. Cela eut des suites, comme on le verra ci-dessous.

  1. Varillas, Hist. de Charles IX, tom. I, pag. 89, édition de Hollande, en 1686.
  2. Beza, Respons. ad Bald., Oper., tom. II, pag. 213.
  3. Calvin., Respons. ad Balduin, pag. 368. Tractat. Theolog.
  4. Valer. Andr., Bibl. belg., pag. 222. Cela est conforme au narré de Baudouin dans sa IIIe. Réponse, folio 91.
  5. Ménage, Remarques sur la Vie de Pierre Ayrault, pag. 157.
  6. Theod. Bezæ ad Francisci Balduini Ecebolii convicia Respons., init., pag. 201 et seq., tom. II Oper.
  7. On n’y mit ni le lieu de l’impression, ni le nom de l’imprimeur. Beza, ibid., pag. 202.