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BAUDOUIN.

M. Varillas peut confirmer quant au fond ce récit de Théodore de Bèze. Il dit que Baudouin « se retira de Genève à Heidelberg, où il professa la jurisprudence, jusqu’à ce que, Cassander lui ayant inspiré la passion de réunir toutes les religions, il crut qu’il fallait commencer par la France, où il s’attendait de trouver moins d’opposition. Il vint à Paris où il porta et communiqua au cardinal de Lorraine, la fameuse consultation que le même Cassander avait composée pour l’achèvement de son projet. Le cardinal de Lorraine lu reçut avec d’autant plus de joie qu’il prévoyait qu’encore qu’elle ne produisît pas tout l’effet que son auteur avait prétendu, elle commettrait du moins les protestans les uns contre les autres, et diviserait les ministres de l’assemblée de Poissy, par les ouvertures d’accord qu’elle suggérait aux plus modérés d’entre eux[1]. » M. Varillas venait de dire que Baudouin par cette aventure devint précepteur du fils naturel du roi de Navarre. Il raconte ensuite la manière dont les ministres se tirèrent « du mauvais pas où Baudouin les avait engagés. Mais, ajoute-t-il[2], ils n’eussent pas démêlé avec autant de facilité la seconde difficulté de Baudouin, si la fortune ne les eût secondés. Il avait persuadé le cardinal de Lorraine, de mander les plus fameux professeurs luthériens du Palatinat et du duché de Virtemberg, pour les introduire dans la conférence, où il était assuré qu’ils s’emporteraient avec plus de chaleur contre les calvinistes, que contre les Catholiques, et que par cet artifice, outre le plaisir qu’il y aurait de voir les hérétiques aux mains les uns contre les autres, leur opposition les rendrait ridicules à la cour, où leur doctrine était auparavant admirée : et le peuple, qui les croyait uniformes, apprenant qu’ils s’entre-déchiraient, changerait si promptement en mépris son ancienne estime pour eux, qu’on ne verrait plus de Français sortir de la communion de l’Église. Il faut avouer que les catholiques ne reçurent jamais de conseil plus salutaire que celui de Baudouin ; et, s’il eût été exécuté avec autant de diligence qu’il en était besoin pour le succès d’une intrigue si délicate, on eût prévenu tous les maux qu’on vit depuis naître de la conférence de Poissy. Et de fait, les ministres, qui n’ignoraient aucune des plus secrètes maximes de leurs adversaires, ayant su ce que Baudouin avait proposé à leur désavantage, s’emportèrent contre lui dans tous les excès que l’indignation, le dépit, la jalousie et la fureur, peuvent inspirer, lorsqu’elles sont animées par le faux zèle, et qu’elles se cachent sous une si spécieuse couverture. »

Notez que M. Varillas se trompe, quand il dit que la consultation de Cassander fut portée par Baudouin au cardinal de Lorraine. Elle ne fut faite que trois ans après[3]. Je donnerai ci-dessous[4] le titre de l’ouvrage dont il fut porteur, et je dirai[5] qu’on l’employa auprès du prince de Condé, pour moyenner un accord ecclésiastique.

(D) On le voulut avoir, pour enseigner la jurisprudence dans l’académie de Douai. ] Le marquis de Bergue, et plusieurs autres grands seigneurs du Pays-Bas, engagèrent Maximilien de Bergue, archevêque de Cambrai, à faire en sorte qu’on procurât à Baudouin cette chaire de jurisprudence. Ils souhaitaient de se servir de ses conseils dans les affaires d’état et de religion[6] ; car ils savaient qu’il était d’avis que l’on modérât les ordonnances contre les sectaires[7]. Nam Balduinus in eâ erat sententiâ, ut veterem edictorum severitatem leniendam profiteretur, affirmaretque, retinere eâ ratione ecclesiæ auctoritatem neque veteres consuêsse, neque iis, quæ tunc erant, temporibus diù posse[8]. On a donc sujet de croire qu’il s’en retourna à Paris, pour n’être point engagé par le duc d’Albe dans les procédures cruelles qui se préparaient.

  1. Varillas, Histoire de Charles IX, tom. Ier, pag. 90, édition de Hollande. Voyez aussi M. de Thou, liv. XXVIII, pag. 567.
  2. Varillas, Histoire de Charles IX, pag. 91.
  3. Voyez Sponde, à l’ann. 1564, num. 27.
  4. Dans la remarque (H).
  5. Dans la remarque (M).
  6. Valer. Andreas, Biblioth. belgicæ pag. 222.
  7. Idem, ibidem.
  8. Idem, ibidem.