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BONCIARIUS.

le servir. Il s’engagea à leur apprendre comment il se trouverait dans l’autre monde, si cela se pouvait faire sans les épouvanter. Il n’est pas le seul qui ait fait de telles promesses (E). Il leur recommanda Bonfadino, son neveu, qui est peut-être le Pierre Bonfadius dont on voit des vers dans le Gareggiamento poetico del confuso accademico ordito. C’est un recueil de vers, divisé en VIII parties, et imprimé à Venise l’an 1611.

(A) Il était né en Italie proche le lac de Garde. ] Les auteurs ne sont pas d’accord sur la patrie de Bonfadius. Les uns disent qu’il naquit à Salone[* 1] sur ce lac ; Salonæ ad Benacum natus[1] ; les autres nomment sa patrie Gazani, luogo picciolo della Riviera di Brescia[2] : je crois qu’ils ont raison ; car dans une lettre, où il décrit ce beau lac, et qui est datée di Gazano, vous rencontrez ces paroles, libero mi starò nel mio Gazano. Cette lettre fut écrite à Plinio Tomacello : elle est au IIe. livre[3], des Lettere volgari, imprimé à Venise, l’an 1558. Konig a tort de le faire de Vérone.

(B) On l’accusa du péché contre nature, et … il fut condamné à être brûlé. ] On l’accusa d’assouvir cette brutale passion avec un de ses disciples. Fu calunniato, che indotto da smisurato e pazzo amore, che ad un bellissimo giovanetto suo scolare portava, con esso le sozze e impudiche sue voglic sfogasse ; sopra di questa imputazione fu subito carcerato ; e da testimonii di si grave e enorme eccesso convinto, fu condamnato al fuoco, nel quale fini à suoi giorni l’anno 1551[4]. Voilà le Ghilini qui reconnaît la justice de l’accusation. Le Cavalier Marin ne l’a pas moins reconnue : voyez les deux madrigaux de ses Ritratti, que M. Ménage rapporte . Paul Manuce la reconnaît pareillement dans le poëme qu’il adresse ad eos qui laborârunt pro salute Bonfadii [5]. Voici comment il parle :

Lapsus erat miser in culpam Bonfadius, index
Detulerat patribus, nec inani teste probârat.
Quid facerent legum custodes ? legibus uti
Coguntur...................

Mais d’autres prétendent que Bonfadius fut opprimé par la calomnie. C’est le sentiment de Giovanni Matteo Toscano dans son Peplus Italiæ[6], où nous trouvons ce qui suit :

Haud minùs intumuit nuper Benacus alumni
Bonfadii, ac Musis, ducte Catulle, tuis.
Bis tamen infelix ; rapuit nam Roma Catullum,
Bonfadium letho das scelerate Ligur.
Historia æternum cujus fera Genua vivis,
Immeritum sævâ lege necare potes ?
Mitius est quod te spumanti vertice marmor
Tundit ; et es scopulis durior ipsa tuis.

Scipione Ammirato ne prononce ni pour ni contre, et paraît néanmoins plus disposé à douter de l’innocence de Bonfadius. Vous verrez dans les paroles qu’on va citer, que la vraie cause des persécutions qui furent faites à ce misérable, fut qu’il portait la jeunesse à désapprouver le gouvernement qui était alors établi. Trovato che eg’i tirava la gioventù a governo contrario di quello che allora si era indiritto, sotto colore d’impudici amori gli poser le mani addosso : e peravventura non trovatolo senza colpa, condennarolo al fuoco. Del cattivetto, per che fosse meno scusabile, si leggono ancor rime, lequal par che rendan testimonianza di cotesta sua inclinazione [7]. Il y a beaucoup d’apparence qu’il état coupable du crime énorme dont on l’accusait ; et qu’il n’en eût pas été puni, s’il n’eût fait quelque autre chose qui l’exposa à la haine de certaines gens.

(C) … d’autres disent qu’il fut décapité. ] Boccalin, le Ghilini, le Cavalier Marin, et quelques autres, assurent qu’il fut brûlé : Scipione Am-

  1. * Mén., dans son Anti-Baillet, n°. LXXXIX, ayant aussi dit Salone, la Monnoie dit qu’il fallait dire Salo.
  1. Thuan., lib. XXVI, pag. 538.
  2. Ghilini, Teatr., tom. I, pag. 70.
  3. Folio 3 verso.
  4. Ghilini, Teatro d’Huomini illustri, pag. 4.
  5. Vous le trouverez dans les Deliciæ Poetarum italorum.
  6. Ménage, Anti-Baillet, chap. LXXXIX.
  7. Scipione Ammiratu, dans son Ritratto del Bonfadio, cité par Ménage, Anti-Baillet, chap. LXXXIX.