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BOSC.

faite des Sermons du père Narni, et lui permit d’en disposer à sa fantaisie. Du Bosc accepta le manuscrit, en traita avec un libraire pour la somme de trente ou quarante pistoles, et le publia sous son nom. Il y a très-peu d’auteurs qui voulussent témoigner leur amitié par cette sorte de présens [1].

(B) Ses livres contre les jansénistes furent fort méprisés. On ne daigna point les réfuter. ] M. Arnauld a donné une raison bien désobligeante, pourquoi on ne répondit point aux livres du père Du Bosc. C’est dans l’endroit du IIIe. tome de la Morale pratique, où il apporte diverses règles capables de faire juger si le silence que l’on garde envers ses adversaires doit passer pour une preuve d’impuissance. Voici sa IVe. règle : « On ne peut pas dire que c’est par impuissance qu’on ne répond point, quand on ne se dispense de répondre qu’en se conformant au jugement du public. Or c’est ce qui arrive quand on dédaigne de réfuter de petits auteurs, qui, pour se faire un nom, s’avisent de prendre parti dans les querelles des savans... C’est pour cette raison, que dans le même temps où l’on se donnait la peine de répondre sérieusement aux pères Annat et Ferrier, on laissait aboyer les Marandez et les Du Bosc, sans leur faire l’honneur de penser à eux [2]. »

(C) ..... et ce silence..... a été glorieusement interprété par quelques anti-jansénistes. ] « La question des aides de la grâce pour le libre arbitre fut agitée sous le pape Clément VIII, et laissée sous Paul V telle qu’elle était, c’est-à-dire, sans être décise. Toutefois, les jansénistes l’ont fait imprimer depuis peu, pour faire accroire que ce pontife souverain est de leur côté ; touchant la grâce efficace ; mais le père du Bosc, cordelier, les a rendus muets tout-à-fait dans un livre portant pour titre : Le Pacifique apostolique. » C’est don Pierre de Saint-Romuald, qui parle ainsi [3].

  1. Voyez M. Colomiés, dans sa Bibliothéque choisie, pag. 171 : il avait ouï dire à peu près la même chose.
  2. Arnauld, Morale pratique, tom. III, chap. XI, pag. 261.
  3. Dans le Journal chronologique et historique, sous le 30 de novembre, pag. 574, 575.

BOSC (Pierre du), ministre français, et le plus grand prédicateur qui fût de son temps parmi ceux de la religion, était fils de maître Guillaume du Bosc, avocat au parlement de Rouen, et naquit à Bayeux, le 21 de février 1623. Il se trouva si avancé, après avoir étudié en théologie dix-huit mois à Montauban, et trois ans à Saumur, qu’encore qu’il ne courût que sa vingt-troisième année, il fut en état de servir l’église de Caen. Il fut donné à cette église par un colloque le 15 de novembre 1645, et reçut l’imposition des mains le 17 de décembre de la même année. Le mérite de ses collègues, et surtout celui de M. Bochart, et la délicatesse d’esprit qui régnait dans cette église, n’empêchèrent pas que M. du Bosc n’acquit promptement la réputation d’un des premiers hommes de sa robe. Il fut regardé dans son pays comme un Orateur parfait, et son éloquence devint si célèbre par tout le royaume, que l’église de Charenton le voulut avoir pour son ministre, et l’envoya demander à son église, dès le commencement de l’année 1658. On employa les plus fortes sollicitations ; mais ni l’éloquence des députés de Paris [a], ni les lettres des personnes les plus qualifiées qui fussent en France parmi ceux de la religion (A), ne purent engager l’église de Caen à se priver d’un si excellent pasteur, ni ce pasteur à vouloir quitter son troupeau. Les recherches de messieurs de Cha-

  1. M. Gaches, ministre, et M. de Massancs, ancien.