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COORNHERT. CORBINELLI.

en trouve partout [1], et en dernier lieu dans ce qui est arrivé aux habitans des Cévennes [2]. Mais des gens qui savent l’art militaire, et qui connaissent la situation du pays et la disposition où étaient les villes voisines, et tout le détail de ce qui concerne le soulèvement des Cévennois, ne trouvent rien que de naturel dans sa durée et dans ses circonstances. Je n’entre point dans la question si un homme persuadé qu’un certain concours de choses secondes a ruiné les entreprises de l’ennemi doit faire accroire qu’il y a eu là des miracles, et s’il se peut justifier par la raison qu’il excite plus de confiance dans les esprits, et plus de reconnaissance pour la protection divine ; mais j’ose bien assurer que s’il espère par-là d’engager les souverains à une guerre, il se fait beaucoup d’illusion. M. Jurieu aura beau crier que la conservation des camisards est une suite continuelle de miracles, les princes ne s’en ébranleront guère, si d’autres raisons de politique qu’ils connaissent mieux que lui, et dont ils n’ont pas besoin qu’il les avertisse, ne les engagent à secourir ces gens-là. Ils veulent voir clair dans une entreprise. Or, les miracles à venir sont un objet de foi, et par conséquent un objet obscur.

  1. Voyez la même Continuation, pag. 313.
  2. Voyez l’écrit qu’il a publié en 1505, sous le titre d’Avis aux puissances de l’Europe, etc.

COORNHERT, auteur hollandais au XVIe. siècle, cherchez Koornhert. tom. viii.

CORBINELLI (Jacques), né à Florence et d’une famille illustre (A) depuis long-temps, se retira en France sous le règne de Catherine de Médicis. Cette reine, dont il avait l’honneur d’être allié, le donna à son fils, le duc d’Anjou, comme un homme de belles-lettres et de bon conseil [a]. Il lui lisait tous les jours Polybe, Tacite, souvent les Discours et le Prince de Machiavel, si nous en croyons Davila [b]. Il ne flattait point son maître en courtisan faible et intéressé, il disait la vérité hardiment, et faisait sa cour sans bassesse. On le regardait comme un homme du caractère de ces anciens Romains (B), pleins de droiture et incapables de la moindre lâcheté. Il eut beaucoup de part à l’estime du chancelier de l’Hôpital (C). Il était l’ami et le patron déclaré des gens de lettres ; jusque-là que, n’étant pas fort riche, il ne laissait pas d’employer une partie de son bien à faire imprimer leurs écrits (D). Mais son talent ne se bornait pas aux exercices des muses [* 1]. Il était homme de cabinet de plus d’une manière : il était même homme de courage et de résolution, autant que de manège et d’intrigue (E). Raphaël Corbinelli son fils, secrétaire de Marie de Médicis, reine de France, fut père de M. Corbinelli qui est aujourd’hui l’un des bons et des beaux esprits de France [c] (F). Voyez son éloge dans une préface [* 2]

  1. * Joly ajoute que le père de Montfaucon, dans sa Bibl. bibliothecarum manuscriptorum nova, cite, 1°. J. Corbinelli opera quædam ; 2°. Jacomo Corbinelli, lettere.
  2. * Outre les Anciens historiens latins, réduits en maximes, 1694. in-12. avec une préface qui est celle dont parle Bayle, on a de Jean Corbinelli, (mort en 1716 à plus de cent ans) 1°. l’Extrait, etc., dont parle Bayle dans la note (8) de la remarque (F). 2°. Sentimens d’amour, tirés des meilleurs poëtes modernes, 1662, 2 vol. in 12. 3°. Histoire généalogique de la maison de Condé,
  1. Dupleix, Hist. de Henri IV, à l’ann. 1589, num. 1, dit que Jacques Corbinelli, homme de rare doctrine, avait été auprès du roi Henri III en Pologne, l’entretenir de bonnes lettres.
  2. Liv. VI, pag. m. 350, à l’année 1579 ; le duc d’Anjou était alors roi de France.
  3. Tiré de l’Avertissement au lecteur, qui est à la tête d’un livre intitulé, Les anciens Historiens latins, réduits en maximes, imprimé l’an 1694. On attribue cette préface au père Bouhours.