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CORBINELLI.

qui m’a fourni non-seulement les matériaux, mais aussi les expressions de cet article. Ce qu’il y a de bien digne d’attention est que l’on ne savait pas de quelle religion était Jacques Corbinelli (G). Cela peut faire soupçonner qu’il n’avait que celle d’être honnête homme. Le maréchal de Bassompierre s’est emporté contre lui (H).

    1705, 2 vol. in-4o, 4°. Quelques lettres parmi celles de Mme. de Sévigné, qui en parle souvent, et toujours avec éloge.

(A) Il était d’une famille illustre. ] Voici les termes de la préface que l’on a mise au-devant des Maximes de Tite-Live recueillies par M. Corbinelli : « Il est originairement d’une des plus anciennes et des plus nobles maisons de Florence, et ses ancêtres, dans le temps de la république, ont tenu les premières places parmi les seigneurs du gouvernement. »

Voyez Claude Malingre, sieur de Saint-Lazare, dans une épître dédicatoire à noble et illustre personne Me. Pierre de Corbinelly, conseiller et maître d’hôtel du roi [1]. C’était un des fils de Jacques Corbinelli.

(B) On le regardait comme un homme du caractère des anciens Romains. ] Dans la préface dont j’ai parlé on cite ces paroles de Juste Lipse : Gentem vestram amavi semper, et ex eâ illos maximè qui vetere illâ Italiâ digni, qualem te esse, mi Corbinelli, video [2]. Le passage est tronqué, il faut qu’on le voie tout entier ; on y trouvera que Pierre Victorius estimait beaucoup notre Corbinelli. Qualem te esse, mi Corbinelli, non solùm ex igniculis literarum tuarum quos sparsos colligo, video : sed etiam ex testimonio viri magni Victorii, qui de undole tuâ ad virtutem magna prædicat, nec vana. Cette lettre de Lipse nous apprend que Corbinelli avait un frère dont la destinée fut malheureuse. Fratris tui μεγαλοψύχου historiam et triste exitium legi : quid miremur ? hodiè illæ viæ, et nil nisi σκολιὸν videmus à plerisque his dynastis [3]. C’est un grand hasard s’il ne périt à Florence sous quelque entreprise républicaine.

(C) Il eut beaucoup de part à l’estime du chancelier de l’Hôpital. ] « Nous voyons dans l’épître en vers latins que ce chancelier lui adresse, que Corbinelli était non-seulement de tous ses amis celui dont la conversation avait le plus de charmes, mais presque le seul courtisan que la cour n’eût point gâté, et qui sût préférer les belles connaissances à l’intérêt et à la fortune. » Ces paroles sont de l’auteur de la Préface, et voici quelques vers de ce chancelier :

Corbinelle, libens te plus fruar omnibus uno,
Præsentisque animum sermone oblecter amici
Tu servare modum nôsti propè solus in aulâ,
Et præferre bonas inhonestis quæstibus artes [4]

(D) Il employait une partie de son bien à faire imprimer divers écrits. ] « Le livre du Dante sur la langue italienne fut mis en lumière par ses soins [* 1], sans compter beaucoup d’autres ouvrages curieux qui seraient demeurés dans l’oubli, s’il ne les avait fait paraître [5]. »

(E) Il était homme de courage et de résolution, autant que de manège et d’intrigue. ] Au rapport de Pierre Matthieu, dans son Histoire de Henri IV, le roi s’approcha de Paris pour une entreprise tramée par ses ser-

  1. (*) Non seulement il publia ce livre du Dante sur un manuscrit unique qu’il en avait ; il l’enrichit même d’annotations italiennes, qui se trouvent à la suite du texte, dans l’édition in-8o., Paris, 1577. Un endroit des rem. du maréchal de Bassompierre sur quelques Vies de l’historien Dupleix, rapporté dans la rem. (H) de cet article, suppose comme une chose constante que cet homme avait été banni de Florence pour crime d’état : ce qui est bien contraire à ces paroles de J-A. de Baïf, dans son épître en vers au roi Henri III, où parlant du même Corbinelli, sans aucun sien meffait exilé de Florence, dit ce poëte. Cette épître, au reste, fait le feuillet 4 du livre en question, intitulé : Dantis Aligerii præcellentiss. Poetæ de vulgari eloquentiâ libri duo. Nunc primum ad vetusti et unici scripti Codicis exemplar editi. Ex libris Corbinelli : ejusdemque annotationibus illustrati. Ad Henricum Franciæ Poloniæque regem christianissimum. Paris, Jo. Borbon., 1577. Rem. crit.
  1. Celle des Histoires tragiques de notre temps, livre imprimé à Rouen, 1641.
  2. Lips., epist. V, cent. IV, Miscellan. Elle est datée de Leyde, en 1786.
  3. Idem, ibidem.
  4. Hospital., epist. VI.
  5. Préface des Maximes de Tite-Live.