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DAURAT.

Ils n’avaient aucun naturel, ni envers lui, ni les uns envers les autres. Voici le plus sage de tous qui répand le sang de son aîné pour une vétille ; car il ne faut pas s’imaginer qu’il l’ait fait mourir à cause du déréglement qu’il y avait dans ces amours d’Adonija. Tous les fils de David devaient regarder la Sunamite comme le fruit défendu. Sa virginité avait appartenu à leur père ; il s’en serait mis actuellement en possession, si ses forces l’avaient permis. Adonija était donc blâmable de jeter les yeux sur cette fille ; mais ce ne fut point pour cette raison que son frère le tua : ce fut à cause que sa demande réveilla les jalousies de Salomon, et fit craindre que si on l’accoutumait à demander des faveurs, il ne songeât bientôt à faire valoir son droit d’aînesse [1]. Une politique à quelques égards de la nature de celle des Ottomans le fit périr.

  1. Là même, vs. 22.

DAURAT [* 1] [a] (Jean), en latin Auratus, savant humaniste et très-bon poëte, était Limosin (A), et d’une ancienne famille, dont on dit qu’il quitta le nom (B), pour en prendre un autre qui a été la source féconde d’une infinité de pointes (C). Étant allé [* 2] à la capitale du royaume [b], afin d’y achever ses études, il y fit des progrès extraordinaires, et il s’y distingua de telle sorte par son grec et par le talent de la poésie, qu’il devint l’un des professeurs de l’université de Paris. On le fait succéder dès l’an 1560 [* 3] à Jean Stracellus dans la charge de lecteur et professeur du roi en langue grecque [c] ; mais avant cela il avait été principal du collège de Coqueret [d], après avoir été précepteur de Jean-Antoine de Baïf [* 4], chez Lazare de Baïf, son père, maître des requêtes. Il avait continué d’instruire ce jeune disciple dans le collége de Coqueret, et il avait eu là aussi pour élève pendant sept années le fameux Ronsard [e]. Un des plus justes et des plus glorieux éloges de Daurat est que de son école sont sortis un grand nombre d’habiles gens [f]. Il enseignait bien, et sa mine un peu paysanne et désagréable (D) n’arrêtait pas le succès de ses leçons. Il était accessible à tout le monde ; il aimait à dire des bons mots, et donnait même quelquefois de grands repas [* 5], se montrant partout fort éloigné de l’avarice

  1. * La seule pièce française que contienne son recueil intitulé : Joannis Aurati poëmata, 1586, in-8o., est signée Dorat, comme le remarque Leclerc. Baluze croit que ce nom lui venait de Dorat, petite ville de la Marche Limousine. Il faut donc, dit Leclerc, écrire Dorat.
  2. * Ce fut en 1537, dit Leclerc
  3. * Leclerc cite une petite pièce de Michel de L’Hospital, où le professorat de Daurat est daté de 1556. Goujet, dans son Mémoire sur le Collége royal, dit, tome 1er., pag. 455, que Dorat succéda, en 1560, à J. Strazel, mort l’année précédente. Mais ce même Goujet, dans l’article Strazel, pag. 401, le fait mourir en 1556 ou 1559, sans dire quelle est la vraie date des deux. Contre l’opinion suivie par Goujet, en son article Dorat, on peut encore citer les Odes et épigrammes, etc., de Charles Fontaine, imprimées dès 1557. Parmi ces pièces, il y en a une où Daurat est appelé lecteur royal.
  4. * Précédemment il avait, dit Leclerc. été soldat pendant trois ans.
  5. * Joly nie cette circonstance.
  1. On l’appelle aussi Aurat, d’Aurat, Dorat.
  2. Papyr., Masso, in Elog. Jo. Aurati.
  3. Du Breul, Antiq. de Paris, pag. m. 565.
  4. Dinet, Vie de Ronsard.
  5. L’entrée de Ronsard à ce collége tombe vers l’an 1545, puisque Ronsard avait alors vingt ans passés. [Leclerc dit que Ronsard avait plus de vingt-un ans, ce qui désigne l’an 1547.]
  6. Docuit diù summâ cum gloriâ et discipulos habuit omnes fere præstantiores Galliæ viros, vicinarumque gentium lectissimos. Papyr. Masso, in Elog. Jo. Aurati. Voyez aussi Thuan. lib. LXXXIX. Sammarth. Elog., lib III, pag. m. 55.