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Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T05.djvu/455

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DÉJOTARUS.

marquez que cet homme, qui respectait avec tant de religion les ordres de la providence par rapport à la doctrine des augures, ne fit point difficulté d’usurper les états de ses voisins, et de faire mourir son gendre et sa fille pour des querelles que sans doute ambition avait fait naître. Apparemment il n’aurait pas fait plus de quartier à son père dans une semblable occurrence.

(K) ........ Cicéron a fait sur cela de fort bonnes réflexions. ] Il observe que les principes des Romains dans la science des augures étaient étrangement différens de ceux de Déjotarus, et qu’en certaines choses l’opposition arrivait jusqu’à la contrariété. Cette remarque est très-forte contre la doctrine des présages ; car puisqu’il n’y a que Dieu qui connaisse l’avenir, c’est Dieu seul qui les envoie. Or, Dieu ne se contredit point lui-même, il ne fait donc pas servir les mêmes choses à présager le bien et le mal. Solebat ex me Dejotarus percontari nostri augurii disciplinam, et ego ex illo sui. O dii immortales quantùm differebat, ut quædam essent etiam contraria [1] ! Voici une considération de plus grand poids. Que pouvait-on dire de plus frivole que de soutenir qu’on ne se repentait pas d’avoir suivi les auspices que le ciel avait présentés pendant qu’on allait joindre Pompée : qu’on ne s’en repentait point, dis-je, puisqu’on avait toujours préféré la gloire à la possession d’un royaume ? Que fait cela pour les auspices ? Ne saviez-vous pas, avant qu’ils vous fussent présentés, ce que vous deviez à l’amitié du peuple romain ; ce que la fidélité, ce que la justice exigeaient de vous ? N’étiez-vous pas trés-persuadé que la gloire, que l’honneur, que la vertu, sont préférables à une couronne ? Ce n’est donc pas pour vous apprendre ces vérités qu’une corneille a chanté sur votre chemin. Vous le saviez déjà tout comme présentement. Les augures n’apprennent point les doctrines de morale, mais les bons ou les mauvais événemens : s’ils vous ont promis un bon succès, ils vous ont trompé ; vous avez fui avec Pompée, et vous avez été dépouillé de vos états par le vainqueur. Nam illud admodùm ridiculum, quod negas Dejotarum, auspiciorum quæ sibi ad Pompeium proficiscenti facta sunt, non pœnitere, quòd fidem secutus amicitiamque Po. Ro. functus sit officio. Antiquiorem enim sibi fuisse laudem et gloriam quàm regnum et possessiones suas. Credo id quidem, sed hoc nihil ad auspicia. Nec enim ei cornix canere poterat rectè eum facere, quod Po. Ro. libertatem deffendere pararet : ipse hoc sentiebat sicuti sensit. Aves eventus significant aut adversos, aut secundos. Virtutis auspiciiis video esse usum Dejotarum, quæ vetat spectare fortunam, dum præstetur fides. Aves verò si prosperos eventus ostenderunt, certè fefellerunt. Fugit à prælio cum Pompeio, grave tempus : discessit ab eo, luctuosa res : Cæsarem eodem tempore et hostem et hospitem vidit, etc. [2]. Il est très-certain que Déjotarus n’avait point examiné les auspices afin d’apprendre si en se joignant à Pompée il embrasserait la bonne cause, mais afin d’apprendre si son voyage serait suivi d’un heureux succès. Il ne consultait, il n’étudiait les augures que pour savoir s’il agissait prudemment : il était persuadé de reste qu’il agissait justement ; car puisqu’après avoir vu l’entière ruine du pari républicain, il demeurait fermement persuadé que le parti de Pompée avait été le parti de la justice, il n’avait garde d’en douter pendant que Pompée était bien dans ses affaires. C’était donc la mauvaise foi, la mauvaise honte, qui le faisait recourir à cette chicane : les augures ne m’ont point trompé, puisque j’aime mieux avoir agi en homme de bien et d’honneur que d’avoir ga-

    vertisset, aquilæ admonitus volatu, conclave illud ubi erat mansurus si ire perrexisset, proximâ nocte corruit. Itaque ut ex ipso audiebam, persæpè revertit ex itinere, quùm jam progressus esset multorum dierum viam. Cujus quidem hoc præclarissimum est, quod posteà quàm à Cæsare tetrarchiæ regno, pecuniâque mulctatus est, negat se tamen eorum auspiciorum, quæ sibi ad Pompeium proficiscenti secunda evenerunt, pœnitere. Senatus enim autoritatem et P. R. libertatem atque imperii dignitatem, suis armis esse defensam, sibique eas aves, quibus autoribus officium et fidem secutus esset, benè consuluisse : antiquiorem enim sibi fuisse possessionibus suis gloriam. Cicero, de Divinat., lib. I, cap. XV.

  1. Ibidem, lib. II, cap. VIII et XXXVI.
  2. lbidem, ad. ll.