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DÉMÉTRIUS.

pas permis de dire indifféremment, un tel a fait un traité des ecrivains équivoques, ou des écrivains synonymes ou des écrivains de même nom. [1]. Les idées que l’on attache à équivoque, ne souffrent point cette indifférence, et par conséquent dans le langage ordinaire, tout comme dans les livres de logique, nous devons observer quelque distinction entre ὁμώνυμα æquivoca, et συνώνυμα synonyma, lorsque nous voulons exprimer en francais le sens de ces termes. Plutarque, comme je l’ai déjà dit, n’avait que faire de rien distinguer dans une telle rencontre. Il lui était aussi libre de citer le même ouvrage de Démétrius, ou sous le nom ὁμωνύμων, ou sous le nom συνωνύμων, qu’il nous est libre aujourd’hui de citer le même ouvrage du père Rapin, ou sous le titre de comparaison de Platon et d’ Aristote, ou sous le titre de parallèle de Platon et d’Aristote. Une exactitude achevée demanderait qu’en citant un livre on employât les propres paroles qui en font le titre dans les éditions, et qu’on ne se contentât pas d’en employer d’équivalentes ; mais la plupart des auteurs ne sauraient s’assujettir à cela. Quelques-uns retiennent mieux les choses que les paroles ; ils se souviennent, par exemple, que David Blondel a composé un ouvrage sur l’eucharistie, et ne se souviennent pas que cet ouvrage est intitulé Éclaircissemens familiers de la controverse de l’eucharistie. Ils croient même qu’au lieu du mot eucharistie, l’auteur s’est servi du mot de cène ; ils citeront donc sans scrupule Blondel au Traité de la Cène, tout aussitôt que Blondel au Traité de l’eucharistie, ou que Blondel dans ses Éclaircissemens sur la controverse de l’eucharistie. Quelques-uns doutent s’il y a dans le titre cène ou eucharistie ; mais comme ils craindraient de perdre des momens précieux s’ils quittaient la plume afin d’aller s’éclaircir par l’ouverture du livre, ils se contentent d’un terme équivalent. Appliquons ceci à Plutarque, au sujet de la différence qui se trouve entre lui et Diogène Laërce, par rapport au livre de Démétrius Magnès. Il s’attache plus à la chose même qu’au mot : il savait que cet auteur avait composé un livre sur les écrivains de même nom, et qu’on y trouvait une circonstance du mariage de Démosthène ; il savait que le mot συνώνυμα était aussi bon pour représenter la matière de ce livre que le mot ὁμώνυμα ; cela lui suffit, il n’eût pas cru que la chose valût la peine de se détourner, quand même il serait en doute si le titre de l’auteur était περὶ ὁμωνύμων, et non pas περὶ συνωνύμων. Je ne me serais pas étendu sur ces minuties, si je n’eusse cru que cela pourrait servir à nous faire voir les illusions des critiques. Combien de fois ont-ils cru que l’on devait corriger certains passages sous prétexte de quelque différence de lettres ? combien de fois, dis-je, ont-ils cru cela sans nulle raison, et ont-ils injustement crié contre les copistes ? Que dirai-je de tant d’auteurs et de tant de livres qu’ils multiplient mal à propos, sous prétexte qu’ils ne trouvent pas la même orthographe dans les anciens qui les citent ? Oh que sur de telles règles on ferait d’étranges bévues dans mille ans d’ici en commentant nos écrivains qui, avec le dernier abandon à la négligence, orthographient comme il leur plaît le nom des auteurs [2], et caractérisent le titre des livres [3].

Si le docte Maussac avait assez médité sur tout ceci, il n’aurait pas cru que l’ouvrage de Demétrius Magnès, cité par Plutarque περὶ συνωνύμων, diffère de celni que les autres citent περὶ ὁμωνύμων [4]. C’est en vain qu’il donne, pour preuve de son sentiment, le passage d’Étienne de Byzance où Démétrius est cité ἐν συνωνύμοις [5]. Je m’étonne qu’il n’ait pas cité Harpocration [6], qui observe que Démétrius Magnès ἐν τοῖς συνωνύμοις πόλεσι, in opere de urbibus synonymis. disait qu’il y avait quatre villes nommées Méthone. Inférez de là que ces deux titres ne supposent nulle différence, et que dans l’idée de ceux qui

  1. Voyez ci-dessus la remarque (F) de l’article Allatius, tome I, pag. 456.
  2. Voyez les Nouvelles de la République des Lettres, sept. 1685, art. IX, pag. 1024 et suiv.
  3. Voyez ci-dessus, pag. 367, la citation (10) de l’article Damien.
  4. Mauss., Dissertat. critica de Harpocrat., pag. m. 38.
  5. Steph. Byzant., in Ἀλαϐών.
  6. Harpocrat., in Μεθώνη.