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Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T05.djvu/505

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DIAGORAS.

il n’usa point d’équivoques, ni d’aucun patelinage ; il nia tout court qu’il y eût des dieux (D). Les Athéniens le citèrent pour lui faire rendre compte de son dogme, mais il prit la fuite ; sur quoi ils mirent sa tête à prix [a]. Ils firent promettre à son de trompe un talent à quiconque le tuerait, et deux à quiconque l’amènerait vif ; et ils firent graver ce décret sur une colonne de cuivre. Leur sévérité s’étendit fort loin (E) ; mais elle ne fit pas qu’on l’attrapât, car il s’embarqua et fit naufrage [b]. Tatien [c], raconte qu’il fut puni pour avoir mis à l’étalage les mystères des Athéniens (F). Quelques savans conjecturent que le livre qu’il lui attribue traitait des mystères de la déesse Cybèle (G). D’autres disent que Diagoras dicta de très-justes lois aux législateurs des Mantinéens (H). Cicéron rapporte quelques reparties profanes de Diagoras (I). Quelques-uns disent que cet impie était redevable de sa liberté à Démocrite (K). La bévue de Pierre Grégoire de Toulouse est des plus grossières. Il a cru que Diagoras fut accusé d’avoir volé les poésies d’un autre (L). Clément d’Alexandrie n’a pas bien connu la doctrine de ce philosophe (M).

  1. Diodor. Sicul., ibid.
  2. Athen., lib. XIII, pag. 611.
  3. Suidas, in Διαγόρας, et Melanthes, in libro de Mysteriis, apud Scholiasten Aristophanis in Avib., fol. 139, verso edit. Fiorent., 1525.

(A) Il vivait en la 91e. olympiade. ] Ce fut alors qu’il abandonna le pays des Athéniens, pour n’être pas puni de son athéisme [1]. Eusèbe s’est donc trompé, quand il l’a mis sous la 74e, olympiade. Scaliger[2] lui a relevé cette faute, où il a trouvé 66 ans de mécompte : il devait y en trouver 65, car il remarque qu’en la 2e. année de la 91e. olympiade les Athéniens firent promettre un talent à celui qui tuerait Diagoras, et deux talens à celui qui l’amènerait vivant. Or, Eusèbe a placé Diagoras sous l’an 3 de la 74e. olympiade : il se trompe donc de 67 années. Vossius [3] n’a point évité cette faute. Lactance s’est plus trompé dans l’autre sens, c’est-à-dire, en faisant Diagoras moins ancien qu’il ne fallait. Non-seulement il le fait vivre après Épicure, mais aussi après les siècles où la philosophie florissait : il le renvoie au temps où cette science était déchue. Verùm iis posteà temporibus quibus jam philosophia defloruerat, extitit Athenis quidam Diagoras qui nullum esse omninò Deum diceret, ob eamque sententiam nominatus est ἀθεος [4].

(B) L’île de Mélos........, ou la ville de Mélia.........., étaient le lieu de sa naissance. ] On le surnomme Mélius. C’est l’épithète que Cicéron [5], Élien [6], et Diogène Laërce [7] lui ont donnée. Eustathius [8], qui lui donne celle de Milésien, se trompe : Vossius, qui le fait Athénien, se trompe aussi. Je dis qu’il le fait Athénien ; car après avoir parlé du philosophe Diagoras, il ajoute, puto eundem esse Diagoram Atheniensem, qui reliquit sermones Phrygios [9]. Il cite Les paroles où Tatien dit que Diagoras était d’Athènes, Διαγόρας Ἀθηναῖος ἦν. Crésollius [10] ne parle que d’un Diagoras Athénien, qui est le même que celui que Tatien a cité ; de sorte que, comme, selon toutes les apparences, Tatien n’a eu en vue que le même Diagoras qui fut surnommé l’athée, il faut conclure qu’ils ont tous ignoré d’où il était. Volaterran et Benoît ont suivi l’erreur d’Eustathius, celui-là au XVe. livre de sa compilation, celui-ci

  1. Diod. Siculus, lib. XIII, cap. VI.
  2. Ad num. 1535, pag. 101.
  3. Vossius, de Histor. græcis, pag. 436.
  4. Lactant., de Irâ Dei, cap. IX.
  5. Lib. I de Naturâ Deorum.
  6. Lib. II, cap. XXIII, Var. Hist.
  7. In Diogene, lib. VI, num. 59.
  8. In Odyss., lib. III.
  9. Vossius, de Histor. græcis, pag. 436.
  10. Theat. Sophistar., pag. 79.