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Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T05.djvu/504

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DIAGORAS.

le crieur public les appela Thuriens. Doriéus retourna à Rhodes, lorsque la faction qui l’avait chassé ne fut plus la supérieure. Il embrassa hautement le parti de Lacédémone dans la guerre du Péloponnèse, équipa des vaisseaux à ses dépens, et combattit en lion contre les Athéniens. Ils le haïssaient de telle sorte, que l’ayant pris prisonnier ils résolurent de lui faire un méchant parti ; mais sa présence frappa l’assemblée : on fut touché de voir captif un personnage dont la gloire avait eu un si grand éclat, et on le remit en liberté[1]. Les Lacédémoniens ne furent pas si généreux : ils le prirent comme il était en voyage auprès du Péloponnèse, dans le temps que les Rhodiens firent alliance avec les Perses et avec les Athéniens, à l’instigation de Conon, et le traitèrent comme un criminel d’état, c’est-à-dire qu’ils le firent mourir. Conon détacha les Rhodiens de l’alliance de Lacédémone [2] la 96e. olympiade [3]. On peut connaître par-là en gros le temps de Diagoras.

(E)....... mais ces auteurs ne disent point...... ce qu’assure M. Moréri. ] Si Plutarque, Pausanias, Aulu-Gelle, et Cicéron [4], rapportaient un peu diversement le sujet de la mort de Diagoras, comme M. Moréri l’affirme, il faudrait que les uns attribuassent sa mort à une cause, et les autres à une autre ; mais c’est ce qu’ils ne font pas. Aulu-Gelle le fait mourir de joie ; les trois autres ne disent quoi que ce soit de sa mort.

(F) Notre Diagoras descendait de Jupiter. ] Car Tlépolème était fils d’Hercule, et d’Astydamie fille d’Amyntor [5]. Quelques-uns disent qu’Amyntor rapportait aussi à Jupiter son extraction [6] ; et ainsi Diagoras aurait pu faire remonter jusqu’au plus grand des dieux sa généalogie, tant selon la ligne masculine, que selon la ligne féminine, à commencer par Tlépolème.

(G) D’autres disent que son extraction était divine immédiatement. ] Un ancien scoliaste rapporte qu’il y avait tradition que Diagoras était fils de Mercure, et que la chose arriva de cette manière. Sa mère se promenant à la campagne, et se trouvant incommodée du chaud excessif qu’il faisait, fut se reposer à l’ombre d’un bois. Mercure à qui ce bois était consacré profita de l’occasion et jouit de cette femme. C’est ce qui donna la naissance à Diagoras. Personne depuis Hercule n’était né de cette manière. Ὃς πρῶτος ἀϕ᾽ Ἡρακλέος λέγεται τοιοῦτος γένεσθαι, ce sont les termes du scoliaste [7]. On peut se plaindre de ce que Benoît les a traduits obscurément, qui primus, dit-il [8], ab Hercule tantus dicitur habitus. Notez qu’il est bien vrai qu’on a dit que depuis Hercule il n’y eut point de femme à qui Jupiter fit un enfant [9] ; mais qu’il n’est point vrai qu’on ait dit cela des autres dieux, à l’égard de tout le temps qui se passa depuis Hercule jusques à Diagoras. Celui-ci vivait encore dans la 79e. olympiade, long-temps après la naissance de Romulus, le fruit des embrassemens du dieu Mars et de Rhéa Silvia.

  1. Pausanias, lib. VI, pag. 184, 185.
  2. Androtion, in Commentariis Rerum atticarum, apud Pausaniam, ibidem.
  3. Diod. Siculus, lib. XIV.
  4. Ce sont les quatre auteurs que Moréri cite.
  5. Pind., od. VII Olymp.
  6. Voyez Benedictus, in Pindar., ibidem, pag. 120.
  7. Voyez le sommaire grec de l’ode VII des Olympiques de Pindare, à la page 77 de l’édit. d’Oxford, 1698.
  8. Benedictus, in Pindar., pag. 123.
  9. Voyez la remarque (N) de l’article Hercule, tom. viii.

DIAGORAS, surnommée l’athée [a], vivait en la 91e. olympiade (A). On a pu dire qu’il était un philosophe d’Athènes, car il a philosophé dans cette ville ; mais il n’en était point natif. L’île de Mélos, l’une des Cyclades, ou la ville de Mélia dans la Carie, étaient le lieu de sa naissance (B). Un entêtement d’auteur, une tendresse excessive pour une production de son esprit, l’entraîna dans l’impiété (C). Ce fut l’un des plus francs, et des plus déterminés athées du monde :

  1. Cicero, de Naturâ Deor., lib. I et III ; Diodor Siculus, lib. XIII, cap. VI ; Lactant. de Irâ Dei, cap. IX, et multi alii.