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Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T05.djvu/507

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DIAGORAS.

scoliaste d’Aristophane assure que Diagoras, fort craignant Dieu auparavant, se jeta dans l’impiété pour avoir perdu un dépôt par la fraude du dépositaire. Διαγόρας ὁ Μήλιος, ὅς τὸ πρότερον ἦν θεοσεβὴς, παρακαταθήκην ὐπό τινος ἀποςερηθεὶς, ἐπὶ τὸ ἀθεον ἐξέδραμεν [1]. Ce dépôt ne consistait point en vers, mais en effets, ou en argent [2]. On lit dans le même scoliaste que Diagoras devint athée, parce que les Athéniens avaient subjugué sa patrie [3]. À cela se rapporte, ce me semble, ce que le même scoliaste raconte en un autre lieu ; c’est que l’édit de proscription qui fut donné contre cet impie à cause qu’il divulguait les mystères, et qu’il détournait les gens de s’y enrôler, fut principalement publié lors de la prise de Mélos ; car avant ce temps-là il n’empêchait point que l’on se fît initier. L’édit promettait un talent à quiconque le tuerait, et deux à quiconque l’amènerait. Οὕτω γὰρ ἐκήρυξαν· τὸν μὲν ἀποκτείναντα αὐτὸν τάλαντον λαμϐάνειν· τὸν δὲ ἀγαγόντα δύο. Ἐκηρύχθη δὲ τοῦτο διὰ τὸ ἀσεϐὲς αὐτοῦ, ἐπεὶ τὰ μυςήρια πᾶσι διηγεῖτο, κοινοποιῶν αὐτὰ, καὶ τοὺς βουλομένους μυεῖσθαι ἀποτρέπων, καθάπερ Κρατερὸς ἱςορεῖ· ἐκκεκήρυκται δὲ μάλιςα ὑπὸ τὴν ἅλωσιν τὴς Μήλου, οὐδὲν γὰρ κωλύει πρότερον [4]. Cratérus n’oublia pas cet édit dans son recueil des décrets des Athéniens. Nous venons de voir que le scoliaste d’Aristophane cite ce recueil. Il le cite aussi dans ses notes sur la comédie des Grenouilles, à la VIIe. scène du Ier. acte. Consultez le feuillet 105 de l’édition de Florence 1625.

(E) La sévérité des Athéniens s’étendit fort loin. ] Car outre qu’ils mirent la tête de Diagoras à prix, comme nous venons de dire, ils persuadèrent à tous les peuples du Péloponnèse d’en faire autant. C’est ce qu’on peut recueillir du scoliaste d’Aristophane, à l’endroit que j’ai cité de ses notes sur la comédie des Grenouilles. Il emprunte cela de Cratérus. En un autre endroit il cite Ménandre, qui avait dit dans son traité des mystères, que la proscription regardait non-seulement Diagoras, mais aussi les Pellaniens [5], à cause qu’ils avaient mis en lumière son ouvrage [6]. Le même scoliaste rapporte que l’indignation des Athéniens contre Diagoras les porta à faire beaucoup de maux à Mélos, la patrie de cet athée. Ἐϕ ᾦ οἱ Ἀθηναῖοι ἀγανακτήσαντες, τὴν Μῆλον ἐκάκωσαν [7]. Les Méliens acquirent une si mauvaise réputation depuis l’affaire de Diagoras [8], qu’on croit qu’Aristophane [9] ne donne à Socrate le surnom de Mélien, qu’afin de le faire passer pour athée. « Aristophane donne ce nom à Socrate, parce qu’il avait été disciple d’Aristagoras, qui était de l’île de Mélos, et que tous les Méliens avaient la réputation d’être athées, depuis le philosophe Diagoras qui s’avisa de nier la divinité. » C’est mademoiselle le Fèvre qui dit cela dans la page 349 de ses notes sur les Nuées d’Aristophane. Elle la pris du vieux scoliaste, et par conséquent ce n’est pas contre elle, mais contre lui que je m’en vais faire une observation. Le décret des Athéniens contre l’impie Diagoras fut publié l’an 1 de la 91e. olympiade [10] : c’est donc depuis ce temps-là que les Méliens auraient dû avoir ce mauvais renom. Or, alors Socrate avait plus de cinquante ans : il se serait donc passé plusieurs années depuis les leçons qu’Aristagoras lui aurait faites ; aussi c’eût été une très-mauvaise plaisanterie, que de faire remonter si haut, et par un effet si rétroactif, les médisances que Diagoras excita contre sa patrie. Aristagoras eût été alors dans le tombeau, ou du moins fort vieux. Qui pourrait comprendre qu’Aristophane eût pu se persuader qu’il ferait grand tort à So-

  1. Scholiast. Arist., in Nub., act. III, sc. I.
  2. Ὅς χρήματα παραθέμενός τινι, καὶ ἀποςερηθεὶς εἰς ἀθείαν έτράπη, ibidem.
  3. Ἢ διότι Μῆλον ἐπολέμηραν ἐπολέμησαν, Ἀττικοί, ibidem.
  4. Schol. Aristoph., in Avib., fol. 193 verso, edit. Florent., 1525.
  5. Peut-être faudrait-il dire Palléniens, et entendre les habitans de Pallène, bourg de l’Attique, selon Stéphanus de Bysance.
  6. Ἐν ᾗ ἐπεκηρυξαν καὶ αὐτὸν καὶ τοὺς ἐκδιδόντας Πελλανεῖς. Schol. Aristophan., in Avib., folio 193 verso.
  7. Idem, in Nub., act. III, sc. I, folio 78.
  8. Διεϐέϐλητο δε ἐπὶ ἀθεϊᾳ οἱ Μήλιοι ἀπὸ Διαγόρου, idem., ibid.
  9. In Nub., act. III, sc. I.
  10. Diod. Siculus, lib. XIII, cap. VI.