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CHANGY.

gine qu’il n’y a rien de réel dans les métaphores [1], et l’on ne veut plus entendre raison. Celui qui a dit que les Scipions africains étaient deux foudres de guerre [2], ne leur a-t-il pas attribué tout ce qu’il y a de plus réel, de plus actif et de plus solide dans la vertu militaire ? Il est néanmoins très-vrai qu’il s’est servi d’une métaphore, et qu’il faudrait être fou pour oser nier que les Scipions ne sont un foudre que par métaphore et au figuré. Un auteur, qui a eu place dans la remarque précédente, assure fort gravement que Chamier a été l’un des principaux sectateurs de la faction des métaphoristes [3]. Combien de gens répéteront ce mensonge, sans s’informer de la chose, sans soupçonner que cette faction des métaphoristes soit une chimère de Jacques Gaultier, et sans savoir qu’eux et ce jésuite, et en général tous les orthodoxes les plus rigides, sont métaphoristes au sens que Chamier l’était ? J’ai dit ailleurs [4] quelque chose contre l’illusion ridicule de ceux qui ont tant grossi la liste des sectes.

  1. On n’a qu’à lire Vaugelas, le père Bouhours, Ménage, etc., dans leurs Remarques sur la langue française : on verra par la différence du propre et du figuré, que ce dernier ne signifie pas des objets moins effectifs que le premier.
  2. Geminos, duo fulmina belli,
    Scipiadas, cladem Libyæ.
    Virgil., Æn., lib. VI, vs. 842.

    Ammien Marcellin, liv. XXIV, chap. VI, pag. m. 409, a dit, Longæ loquantur ætates Sophanem et Aminiam et Callimachum et Cynægirum medicorum in Græciâ fulmina illa bellorum. Lucrèce, liv. III, vs. 1047, a fourni à Virgile cette pensée. Voyez M. Drelincourt, in Indice Achilleo, pag. 44, num. 119, et pag. 46, num. 124.

  3. Allard, Biblioth. de Dauphiné, pag. 60.
  4. Dans l’art. Bézanites, tome III, pag. 391.

CHANGY ( Pierre de), écuyer, vivait au XVIe. siècle [* 1]. Il mit en français le livre latin de Louis Vivès de l’Instruction de la femme chrétienne, tant en son enfance, que mariage et viduité ; aussi de l’Office du mari [a]. L’édition que j’en ai n’est ni la première ni la seconde : elle est de Paris, chez Jacques Kerver, 1543, in-8o., et n’a été connue, mi à la Croix du Maine, ni à du Verdier Vau-Privas [b]. On y ajouta de nouveau une très-briève et fructueuse institution de la vertu d’humilité ; avec une épître de saint Bernard touchant le négoce et gouvernement d’une maison. L’auteur était déjà mort. Il avait dédié ouvrage à sa fille Marguerite [* 2]. Il avait plus de soixante ans, lorsqu’il travailla à cette version, et il était fort maltraité de la goutte [c]. Il avait porté les armes dans sa jeunesse, et mis en français six livres de Pline (A), au milieu des embarras de la guerre. Il eut des fils qui furent hommes de lettres, comme je le dis dans la remarque.

  1. * Il était né à Dijon, dit Joly.
  2. * Papillon, dans sa Bibliothéque de Bourgogne, I, 129, distingue et reproche à Bayle de n’avoir pas distingué l’Institution de la femme chrétienne, traduite de Vivès (qu’il avait sous les yeux) d’avec un autre ouvrage de Changy intitulé : Instruction chrétienne pour femmes et filles mariées et à marier. C’est ce dernier ouvrage que cite du Verdier sous la date de 1545 (et non 1544 comme dit Bayle).
  1. Voyez à la fin de la remarque (M) de l’article Sainte-Aldegonde le jugement de Plantin sur cette version, tome XIII.
  2. La Croix du Maine n’a connu aucune des éditions. Du Verdier Vau-Privas ne fait mention que de celle de Poitiers, en 1544, in-16. ; et de celle de Paris, 1579, in-16.
  3. Voyez au-devant du livre les vers latins de Simonis Romyglæi Andegavensis.

(A) Il a... mis en francais six livres de Pline. ] Voici comment on le fait parler dans quelques vers [1] qui sont au-devant de sa traduction de l’ouvrage de Louis Vivès.

Me miserum (ajebat) qui bella ferocia gessi,
Pro patriâ, corpus dum juvenile foret ;
Qui Plini bis tres in gallica verba libellos,
Mars, verti in castris sanguinolente tuis.


La Croix du Maine, ni du Verdier Vau-Privas ne disent rien de la ver-

  1. Simonis Romyglæi Andegarvensis.