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CHARLES-QUINT.

che publicate, acorescono non poca fama al suo per altro celebratissimo nome, e sono, Istoria delle cose da lui fatte, la qual scrisse in lingua francese ad imitazione di C. Giulio Cesare. Puis il donne le titre de quelque lettres, et de quelques manifestes de cet empereur. Nouvelle faute ; car il faisait faire ces écrits-là par ses secrétaires. Je m’imagine que si le P. Bouhours se fût souvenu de ce que Ruscelli rapporte, il en eût parlé dans l’endroit de ses entretiens où il a dit, que Charles-Quint avait une grande idée de notre langue : il la croyait propre pour les grandes affaires et il l’appelait langue d’état, selon le témoignage du cardinal du Perron [* 1]. C’est peut-être pour cela qu’il lui fit l’honneur de se servir d’elle dans la plus célèbre action de sa vie. L’histoire des guerres de Flandre [* 2] nous apprend qu’il parla français aux états de Bruxelles, en remettant tous ses royaumes entre les mains de Philippe II [1]. Joignez à cela ces paroles de Brantôme : Entre toutes langues, il entendoit la françoise tenir plus de la majesté que toute autre,..... et se plaisoit de la parler, bien qu’il en eût plusieurs autres familières [2].

(D) .... On prétend néanmoins qu’il estimait plus l’espagnole. ] Citons encore le père Bouhours. « Si Charles-Quint revenait au monde, il ne trouverait pas bon que vous missiez le français au-dessus du castillan, lui qui disait que, s’il voulait parler aux dames, il parlerait italien ; que, s’il voulait parler aux hommes, il parlerait français ; que, s’il voulait parler à son cheval, il parlerait allemand ; mais que, s’il voulait parler à Dieu, il parlerait espagnol. Il devait dire sans façon, reprit Eugène, que le castillan était la langue naturelle de Dieu, comme le dit un jour un savant cavalier de ce pays-là, qui soutint hautement dans une bonne compagnie, qu’au paradis terrestre le serpent parlait anglais ; que la femme parlait italien ; que l’homme parlait français ; mais que Dieu parlait espagnol [3]. » Ceci diffère beaucoup de ce qui fut dit par un Espagnol à un Allemand : les Allemands ne parlent pas, lui dit-il, mais ils foudroient ; et je crois que Dieu employa leur langue, lorsqu’il fulmina sur Adam l’arrêt de condamnation. On lui répondit que le serpent s’était servi des afféteries de la langue castillane pour tromper Ève. Petrus Royzius Mauræus, Hispanus, poëta illo seculo celeberrimus, consiliarius regius, et ob eruditionem Lango [4] acceptissimus ; etiam in quotidiano convictu, sed qui velut ὰναλϕάϐητος Germanicam linguam ridere soleret. Itaque famulos Langi oratoris, mensæ aliquandò adstantes, atque durâ pronunciatione et accentu affectatè voces Germanicas exasperantes, isto scommate jocove illusit : Germani, inquit, non loquuntur, sed fulminant. Et credo ego, mi Lange orator, Deum ex indignatione hoc sermonis fulmine usum, cùm primos parentes extruderet paradiso. Cui Langus, Ego rursùs, inquit, verisimile censeo, serpentem suavi et blando vocis hispanicæ fuco usum, cùm imposuit Evæ. Hoc argutulo Royzium et convivis et adstantibus propinavit deridendum : quod et ipsum regem hoc audientem mirè delectavit [5]. J’ai allongé cette citation afin qu’on vît que le roi même de Pologne fut régalé de ces railleries. Mais voici un autre partage qui ne s’accorde pas tout-à-fait avec Charles-Quint, et qui plaît beaucoup à un docteur espagnol : la langue allemande y est pour les soldats, la française pour les femmes, l’italienne pour les princes, et l’espagnole pour Dieu. De præstantiâ…. illarum (linguarum) quæ Europæis frequentiores sunt, sic Tympius [* 3] distinguendum putat, ut si quispiam cum Deo locuturus esset, hispanicè deberet loqui, ob linguæ majestatem ; si cum aliquo principe, italicè propter hujus elegantiam ; si cum fœminis, gallicè ob suavitatem ; si cum militibus, germanicè quòd sit omnium robustissima ;

  1. (*) Perroniana, (au mot Langue).
  2. (*) Strada, de Bello belg., lib. I.
  3. (*) In Mensâ Theophilos., pag. 2.
  1. Bouhours, Entretien II d’Ariste et d’Eugène, pag. m. 82.
  2. Brantôme, Capitaines étrangers, tom. I, pag. 19.
  3. Bouhours, Entret. II d’Ariste et d’Eugène, pag. 81.
  4. C’était Jean Langus, ambassadeur de Ferdinand en Pologne.
  5. Melch. Adam, in Vitis Jurisc., pag. 81.