doctrine qui rejette la providence de Dieu, et l’immortalité de l’âme, ôte à l’homme une infinité de consolations pendant la vie, et le réduit au désespoir quand il faut mourir (R). Je ne regrette point que cet auteur se soit abstenu d’examiner si ceux qui niaient la providence dogmatisaient plus conséquemment que ceux qui la reconnaissaient, le veux dire, si en supposant, comme faisaient tous les philosophes, que la matière ne devait qu’à elle-même son existence, il n’était pas d’un plus solide raisonnement de soutenir que les dieux n’agissaient point sur la matière, que de soutenir qu’ils en disposaient à leur fantaisie. Encore un coup, je ne regrette point que Plutarque ne soit point entré dans l’examen de cette question : car il était trop prévenu contre l’épicuréisme, et trop engagé dans certaines hypothèses, pour ne pas embarrasser et embrouiller ce grand sujet ; mais je suis fâché de n’avoir lu aucun livre où il y eût quelque chose touchant cette discussion. Il me semble que parmi tant d’apologistes d’Épicure, il y en devait avoir quelques-uns qui en condamnant son impiété, s’efforçassent de montrer qu’elle coulait naturellement et philosophiquement de l’erreur commune à tous les païens sur l’existence éternelle de la matière (S). Je ferai quelques observations là-dessus, qui montreront entre autres choses, 1o. que quand on n’est point dans le système de l’Écriture à l’égard de la création, plus on raisonne conséquemment plus on s’égare ; 2o. que ce système est le seul qui ait l’avantage d’établir les fondemens solides de la providence et des perfections de Dieu (T). Il n’y a rien de plus pitoyable que la méthode dont Épicure se servait pour expliquer la liberté (U) des actions humaines.
(A) Il naquit à Gargettium. ] C’est pour cela que Stace le nomme Gargettius auctor[1], et Senior Gargettius :
Deliciæ quas ipse suis digressus Athenis
Mallet deserto senior Gargettius horto[2].
Cicéron lui en avait montré l’exemple.
Catius... quæ ille Gargettius, etiam
antè Democritus ἔιδωλα, hic spectra
nominat[3]. Élien[4] et plusieurs autres
se sont servis du même surnom
en parlant de notre Épicure. Je m’étonne
donc que Cruquius ait pu croire
que Stobée, en se servant de ce surnom,
a désigné un autre Épicure. Toutefois,
dit-il, Stobée fait souvent
mention d’un certain Épicure qu’il
surnomme aussi Gargettien. On ne
parle pas ainsi quand il s’agit du
grand Épicure, ou, si on le fait, on
mérite d’être sifflé, comme ce bon provincial
qui disait un nommé Turenne[5].
C’est à Cruquius à choisir, et,
quelque parti qu’il prenne, il se convaincra
d’une bévue. S’il dit qu’il a
cru que le Gargettius Epicurus de
Stobée est le fondateur de la secte des
Épicuriens, il avouera qu’il a parlé
impertinemment : on ne se sert pas
des termes Epicuri cujusdam, quand
on parle de ce fondateur[6]. S’il dit
qu’il a ignoré que l’épithète de Gargettius
fût propre au grand Épicure,
il reconnaîtra qu’un fait très-commun
ne lui était pas connu. Je ne le crois
point coupable de l’incivilité rustique,
ou plutôt de l’impertinence qui
- ↑ Stat., lib. II, Silva II, vs. 113.
- ↑ Idem, lib. I, Silva III, vs. 93.
- ↑ Epist. XVI libri XV ad Familiares.
- ↑ Lib. IV, cap. XIII Var. Histor.
- ↑ Ménage, Anti-Baillet, tom. I, pag. 39. Je le lui avais ouï dire dans sa Mercuriale à propos de ce qu’une personne de la compagnie venait de conter, qu’un certain M. Cospean avait fait une certaine chose.
- ↑ Voyez tome II, pag. 407, la remarque (F) de l’article Arnauld (Antoine), docteur de Sorbonne.