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EUDES.

et frère puîné de saint Hubert [a]. Il profita des troubles de la cour de France, et des malheurs où l’invasion des Sarrasins plongea l’Espagne ; car pendant que ceux-ci ne songeaient qu’à l’affermissement de leur nouvelle domination, et que l’on travaillait vainement en France à soumettre l’Austrasie où les maires du palais s’étaient rendus indépendans, il s’empara non-seulement de la première et de la seconde Aquitaine, entre la Loire et la Garonne, mais aussi de tout le pays de Toulouse et d’Usez. Les Gascons en même temps se répandirent sur les pays d’entre la Garonne, la mer Océane, et les Pyrénées. Il ne faut pas s’étonner si Eudes ayant de telles forces se vit recherché par Chilpéric II, roi de France. Rinfroi, maire du palais, avait essayé de remettre sous l’obéissance de la couronne française le royaume d’Austrasie, avec le secours des Frisons ; mais Charles Martel l’avait attaqué si à propos dans les Ardennes, en 716, qu’il l’avait mis en déroute. Chilpéric et Rinfroi, son maire, furent contraints de prendre la fuite ; et ayant été encore battus l’année suivante, ils avaient tout à craindre de Charles Martel. Dans cette perplexité, ils eurent recours au duc d’Aquitaine ; et bien loin de le quereller sur son agrandissement, ou sur ses usurpations, ils le déclarèrent souverain (A), et le prièrent de concourir avec eux contre l’ambition démesurée et rebelle de leur ennemi. Eudes assembla toutes ses troupes, et alla joindre l’armée de Chilpéric auprès de Paris, et lorsqu’ils eurent été battus il amena en Aquitaine ce malheureux roi, qui avait besoin de cet asile pour être à couvert des attentats du vainqueur ; car ce vainqueur se frayait ouvertement le chemin à l’usurpation, qui éclata dans la suite selon les formes les plus solennelles[b]. La retraite de Chilpéric en Aquitaine, et sa défaite auprès de Soissons, arrivèrent l’an 719. Charles le poursuivit jusques en Touraine. Quelque temps après il envoya des ambassadeurs à Eudes pour lui redemander Chilpéric. Eudes ne voulut le rendre qu’après avoir tiré parole qu’il serait traité selon sa dignité. Il lui fit de grands présens, et il fut peut-être la principale cause de ce que prince ne mourut pas dans un monastère. Il rendit un service signalé à la nation deux ans après, par la victoire qu’il remporta devant Toulouse sur les Sarrasins. Ces infidèles, aspirant à la conquête des Gaules, ne se furent pas plus tôt rendus maîtres de Narbonne, qu’ils s’avancèrent jusques à Toulouse, et qu’ils en firent le siége. S’ils n’y eussent pas perdu Zaman leur général, et une grande partie de leurs troupes, on peut s’imaginer en quelle passe ils eussent été. Cette défaite ne les empêcha point de revenir peu après, et de s’emparer de Carcassonne, de Nîmes, et de toute la Septimanie, jusques au Rhône : si bien qu’Eudes, qui ne trouvait guère raisonna-

  1. Voyez Audigier, Orig. des Franç. tom. II, pag. 226.
  2. Lorsque Pépin, son fils, fit déposer le roi légitime, et se fit élire à sa place, l’an 752.