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EUDES.

ble de souffrir que Charles Martel allât à grands pas à l’usurpation de la couronne (B), se trouvait bien embarrassé : il craignait les Sarrasins, et il ne voulait point dépendre d’un homme qui n’avait pas plus de droit que lui à la puissance souveraine. Les précautions qu’il prit furent, d’un côté, de favoriser sous main les cabales qui s’élevaient dans la Neustrie[a], et de l’autre de s’allier avec Munuza, vaillant capitaine maure auquel les Sarrasins avaient confié la Cerdaigne. Munuza devenu amoureux de la fille d’Eudes (C), qui était très-belle, s’engagea pour l’obtenir à se soulever. Il arriva donc qu’Eudes persuadé que les Sarrasins ne se pourraient pas prévaloir de son absence, assez occupés chez eux par la besogne que Munuza leur taillerait, fit une irruption dans la Neustrie. Cette entreprise ne lui réussit pas ; il fut vaincu[b] par Charles Martel, et son pays fut pillé par l’armée victorieuse. Son gendre fut encore plus malheureux, comme nous le dirons en son lieu[c] : il périt dans les troubles qu’il excita ; et alors Abdérame qui l’avait vaincu, ne trouvant rien qui l’empèchât de pénétrer dans l’Aquitaine, y entra avec une armée très-nombreuse. Eudes dépêcha des ambassadeurs à Charles, pour le prier de le secourir, et sans attendre l’arrivée de ce secours il eut la hardiesse de s’engager à une bataille avec les Sarrasins dès qu’ils eurent passé la Dordogne[d]. La politique eut peut-être plus de part que le courage à cette action : il s’était imaginé que s’il battait Abdérame avant l’arrivée de Charles, il pourrait gagner une autre victoire sur celui-ci en cas de besoin ; pour ne rien dire de la gloire qu’il avait à attendre, s’il chassait les infidèles sans qu’un autre y contribuât. il se battit bien ; mais enfin après une longue résistance il fut mis en fuite. Quoiqu’on dise que sa perte fut très-grande (D), il ne laissa pas avec ce qu’il put rassembler de troupes de s’avancer vers le lieu où Charles devait passer la Loire, il combattit avec lui dans la fameuse bataille où Abdérame fut tué (E), le 7 d’octobre 732. Mais il ne put se résoudre à laisser en paix la Neustrie ; il reprit encore les armes en 735. Ce fut pour la dernière fois ; car il mourut de chagrin dans la même année (F), ayant vu que Charles était entré dans l’Aquitaine et y avait tout mis à feu et à sang. Hunaud, son fils, aussi ambitieux que lui, ne voulut point reconnaître Charles. Cela fit recommencer la guerre, qui, après divers succès tantôt heureux tantôt malheureux, se termina au désavantage de Hunaud. Il fut obligé de se soumettre, et on lui laissa le duché[e].

  1. C’est ainsi qu’on appelait la partie occidentale de la monarchie francaise.
  2. En 731.
  3. Voyez l’article Munuza, tome X.
  4. Isidore de Badajos, cité par Catel, Mémoires de l’Hist. du Languedoc, pag. 527, dit que la bataille se donna entre la Garonne et la Dordogne. Voyez-le aussi, pag. 529.
  5. Voyez l’Histoire de France de Cordemoi.

(A) Chilpéric et... son maire... le declarèrent souverain. ] J’aurais pu