Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T06.djvu/433

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
423
FERNEL.

comme rien n’était capable de faire cesser ses études de cabinet, il employa toutes les heures qu’il avait de reste à composer un ouvrage de médecine[a], qui vit le jour quelque temps après. Les écoliers le pressèrent si vivement de leur faire des leçons sur cet ouvrage, qu’il s’y résolut, nonobstant les oppositions de sa femme (C) et les conseils de ses amis. Il donna trois ans à ces leçons ; et comme pendant ce temps-là, il entreprit un autre ouvrage qu’il fit imprimer[b], il s’imposa en quelque manière la nécessité de lire en public encore quelques années ; car on souhaita passionnément qu’il expliquât à la jeunesse ce second livre. Il n’avait pas achevé encore de l’expliquer, lorsqu’on l’appela à la cour, pour voir s’il pourrait guérir une dame dont l’on désespérait de la guérison (D). Il la guérit heureusement ; et ce fut la première cause de l’estime que le roi Henri II, qui n’était alors que dauphin, et qui aimait fort cette dame, conçut pour lui. Ce prince lui offrit dès lors la place de son premier médecin ; mais Fernel, qui préférait ses études à l’embarras de la cour, n’accepta point cet emploi ; et il se servit même d’artifices pour obtenir la permission de retourner à Paris (E). Il l’obtint sans diminution de la pension qui lui fut promise[c]. Ayant achevé d’expliquer son livre, il fut incessamment sollicité d’expliquer quelque autre chose ; mais la multitude de malades qui l’appelait l’empêcha de s’y engager[d]. Il ne cessa pas pourtant de se rendre utile au public autrement que par sa pratique. Il donna ses veilles à la composition de l’ouvrage de Abditis rerum causis, qui fut suivi des sept livres de Pathologie, après quoi il travailla sur les Remèdes (F). Avant qu’il eût achevé ce dernier ouvrage, il fut contraint de céder aux ordres de Henri II. Ce prince le voulut avoir auprès de lui pour son premier médecin ; et il arriva tout le contraire de ce que Fernel avait redouté ; car il trouva plus de repos et plus de loisir à la cour, qu’il n’en avait eus à Paris ; et sans les voyages que la reprise des armes fit faire à ce prince, son médecin eût pu regarder la cour comme une douce retraite. Étant de retour de l’expédition de Calais, il fit venir sa femme à Fontainebleau. Cette bonne femme, fâchée de se séparer de sa famille, tomba malade, et mourut frénétique dans peu de temps. Il en fut si affligé, qu’il devint malade douze jours après les obsèques de son épouse, et qu’il mourut le dix-huitième jour de sa maladie[e] (G). Je ferai une remarque sur le nombre de ses années (H). Il gagna beaucoup de bien (I), et

  1. C’est celui qu’il intitula Physiologia.
  2. C’est celui De venæ sectione.
  3. Elle était de six cents livres.
  4. Hoc perfunctus munere alia quædam Hippocratis et Galeni interpretari scripta cogitabat, idque ab eo quotidianis precibus et acclamationibus contendebant philiatri omnes, sed præ ægrorum qui undique ad eum apis causâ quotidiè confugiebant turbâ, id muneris aggredi non potuit. G. Plantius, in Vitâ Fernelii.
  5. Tiré de sa Vie, composée par Guillaume Plantius, son disciple, natif du Mans. Elle est à la tête des Œuvres de Fernel dans toutes les éditions.