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FERNEL.

maria ses deux filles très-avantageusement[a]. C’est une opinion fort répandue qu’il guérit la stérilité de Catherine de Médicis (K), et que cette princesse l’en récompensa magnifiquement (L). Nous rassemblerons dans une remarque les fautes de quelques auteurs (M).

  1. Voyez la remarque (I).

(A) Il était né en Picardie. ] Je m’en tiens à cette généralité, afin de jouer au plus sûr, car je vois d’un côté qu’il se qualifie Ambianus natif d’Amiens, et de l’autre qu’on assure dans sa Vie, qu’il était né à Clermont, à vingt milles de Paris, et qu’il ne se donna le surnom d’Ambianus, qu’à cause que son père était d’Amiens[1]. Par Clermont on entend ici Clermont en Beauvoisis. Dom Pierre de Saint-Romuald allègue une autre raison pourquoi Fernel a été nommé Ambianus. Il était né, dit-il[2], à Clermont en Beauvoisis, dans une maison du faubourg, où pend encore aujourd’hui pour enseigne le Cigne. Quelques-uns l’ont appelé Ambianois, d’autant que le faubourg dans lequel il naquit s’appelle le faubourg d’Amiens. Mézerai assure[3] que Fernel était natif de Montdidier au diocèse d’Amiens.

(B) Il donnait peu de temps aux repas et au dormir. ] Tout autre plaisir que celui d’apprendre était insipide pour lui : il ne se souciait ni de jeux, ni de promenades, ni de collations, ni de conversations. Je parle du temps qu’il était encore écolier. Ludos, jocos, compotationes, et comessationes sermones etiam omnium penè condiscipulorum, ac familiarium, fugere statuit, non cibi, non somni, non corporis, non valetudinis, non rei familiaris rationem habere, omnia perpeti, dum liberalium artium cognitionem assequeretur : omne in eis studium, diligentiam, curam, industriam adhibere, nullam præterquàm ex discendo voluptatem capere : arbitratus omnem horam perire, quæ in bonorum authorum lectione et studiis non collocaretur : tanta in illius animo insita erat discendi cupiditas, tantus cognitionis amor et scientiæ[4]. La suite de sa vie ne démentit point ces commencemens ; jamais homme ne fut plus actif que lui. Il se levait à quatre heures du matin, et s’en allait étudier jusques à ce que le temps de faire leçon, ou d’aller voir les malades, approchât. Alors il examinait les urines qu’on lui portait, et il prescrivait des remèdes selon les conjectures qu’il pouvait former[5]. Revenant au logis pour dîner, il s’enfermait avec ses livres jusques à ce qu’on l’appelât pour se mettre à table : il retournait dans son cabinet en sortant de table ; il ne quittait son étude que pour les affaires qui l’appelaient hors du logis. Revenant le soir, il faisait comme à midi : il attendait sur ses livres qu’on l’appelât pour souper ; il les reprenait aussitôt qu’il avait soupé, et ne les quittait qu’à onze heures, pour se mettre au lit. Il ne faisait point scrupule, quand il priait quelqu’un à manger, de le quitter dès que le repas était fini, et de s’en aller retrouver ses livres. Omnia animi et corporis oblectamenta præ litterarum studiis, et medicæ artis exercitatione, pro nihilo ducens : ut nulla vitæ pars neque publicis, neque privatis, neque medicis, neque domesticis in rebus vacâsse officio videretur. Si quem fortè ad cœnam vel prandium aliquando invitaret, ab eo neque turpe, neque inhonestum ducebat, aliquantò post sumptum cibum, studiorum causâ se surripere[6].

À la prière de sa femme, quelques années avant sa mort, il acheta une maison de campagne[7] : mais il ne s’y allait délasser qu’une fois ou deux par an. Il trouvait plus de plaisir dans

  1. Claromontio oppidulo (quod viginti duntaxat milliaribus à Lutetiâ distat) natus atque ingenuè educatus, Ambianum in operibus idcircò se prædicat, quòd patrem indè habuerit. G. Plantius, in Vitâ Fernelii, initio.
  2. Abrégé du Thrés. chronolog., tom. III, à l’ann. 1558.
  3. Histoire de France, tom. II, pag. 1229.
  4. Plantius, in Vitâ Fernelii.
  5. C’était la méthode de ce temps-là, pour les petites gens. Ils n’appelaient point le médecin, ils lui envoyaient de l’urine du malade, et il ordonnait des remèdes. Voyez Plantius, in Vitâ Farnelii.
  6. Plantius, in Vitâ Fernelii.
  7. Prædium Pentinianum.