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FRANÇOIS Ier.

lire, Agrippa ad amicum : elle fut imprimée sous ce titre, avec les trois livres de la Philosophie occulte, l’an 1533, comme le remarque Gabriel Naudé, à la page 410 de l’Apologie des grands hommes. Voici les paroles d’Agrippa : Accersitus est è Germania non modicis sumptibus vir quidam dæmoniorum, hoc est Magus, in quo potestas dæmonum inhabitat, ut, sicut Jamnes et Mambres restiterunt Moysi, sic iste resistat Cæsari. persuasum enim est illis a patre mendaciorum, illum futurorum omnium præscium, arcanorum quorumcunque consiliorum conscium, ac deliberatarum cogitationum interpretem : tantâ prætereà præditum potestate, ut possit regios pueros reducere per aëra, quemadmodum legitur Abakuk cum suo pulmento traductus ad lacum leonum, possetque, sicut Helisæus obsessus in Dothaim, ostendere montes plenos equorum et curruum igneorum, exercitumque plurimum : insuper et revelare ac transferre thesauros terræ, quasque volet coget nuptias amoresque, aut dirimet, deploratos quoque curabit morbos stygio pharmaco [1]. La lettre fut écrite de Paris le 23 de février 1528. Il remarque même que les cardinaux et les évêques consentaient au dessein de faire venir le magicien, et fournissaient aux frais de la récompense : Huic tam nefario idololatriæ et sacrilegorum artifici audaciam præstat, quæ istis tam impensè favet orthodoxa illa mater, et christianissimi filii accommodatur autoritas, et è sacris pecuniis largiuntur munera, conniventibus etiam atque tam nefariam operam conducentibus columnis ecclesiæ, episcopis et cardinalibus, et impietatis ministro impii applaudunt proceres, quemadmodum operibus lupi congratulantur corvi [2].

Jean Wier, disciple d’Agrippa, rapporte une partie de ces beaux contes, je veux dire ce qui concerne l’enlèvement des otages. Quemadmodum dicitur, quo tempore Francisci primi regis Galliæ filii detinebantur obsides in Hispaniâ, magum in Galliam evocatum è Germaniâ fuisse, qui tantâ credebatur præditus potestate ; ut posset regios pueros per aëra reducere, thesaurosque investigare et transferre [3]. Le comte de la Roca [4] n’ignorait point ce passage de Jean Wier : ce n’est pas qu’il eût lu les livres de cet auteur, il avait seulement vu que Bodin en cite cet endroit-là ; mais il a eu tort de se contenter de dire que Bodin en a parlé, il fallait qu’il ajoutât que Bodin rejette cela comme une fable. Il me suffist, ce sont les paroles de ce jurisconsulte français [5], de convaincre Wier par ses propos mesmes, et par ses livres. Car luy mesmes [* 1] escrit, qu’il a veu les hommes transportez en l’air par les diables, et qu’il n’y a point d’absurdité ; et au mesme lieu il escrit une chose fausse, qu’on alla chercher en Allemaigne un sorcier, qui promettoit tirer du chasteau de Madry les enfans du roy François, et les faire transporter en l’air, d’Espagne en France : mais qu’il n’en fut rien fait, parce qu’on craignoit qu’il leur fist rompre le col. Je n’ai point trouvé cette dernière circonstance dans le livre de Jean Wier. Je me sers de l’édition d’Amsterdam, 1660.

(L) J’ai lu un autre mensonge bien grossier, qui se rapporte à... l’an 1544. ] Jean Saxon, recteur de l’académie de Wittemberg, faisant afficher un programme, le 12 d’octobre 1544, déclara entre autres choses que ce n’était point le hasard, mais la justice de Dieu, qui était cause des malheurs dont la France était accablée. L’empereur, dit-il, s’est approché de Paris : la reine de France et le dauphin lui ont été au-devant, pour lui faire de très-humbles supplications. Non casu jam Gallia miserabiliter vastatur, et rex potens venit in tantum discrimen ut cùm Carolus imperator accesserit ad Lutetiam usque, supplices occurrerint regina et delphinus, ut ante paucos annos ad Carolum Burgundum venit supplex rex franciæ Ludovicus, cui induit dux Carolus Burgundicum thoracem cui confessio victoriæ inscripta erat,

  1. (*) Lib. II, cap. XII, de Præstigiis, pag. 6.
  1. Agrippa, epistola XXVI, lib. V, pag. 913.
  2. Idem, ibid., pag. 914. :
  3. Jo. Wierius, de Lamiis, lib. III, cap. XII, num. 7, pag. m. 195.
  4. Voyez son Histoire de Charles-Quint, pag. 171 de l’édition de Bruxelles, 1663.
  5. Bodin, Réfutation des Opinions de Jean Wier, pag. m. 513.