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FRANÇOIS Ier.

à publier cet ouvrage, afin de réfuter les calomnies que l’on répandait contre ceux que François Ier. faisait mourir ; qu’on répandait, dis-je, pour adoucir les protestans d’Allemagne, fort choqués du dernier supplice des six luthériens

(R) Les déplaisirs de François Ier. à l’occasion de ses enfans, ne furent pas la plus petite de ses angoisses. ] L’aîné s’appelait François. Il était né au château d’Amboise, le 28 de février 1518 [1]. Il fut empoisonné dans une tasse d’eau fraîche, par Sébastien Montécuculi, et il mourut au château de Tournon, le 10 d’août 1536 [2]. Le roi son père porta cette mort si impatiemment, que de longtemps il ne s’en put remettre, car il avoit très-grande esperance et une bonne opinion de ce fils. Monsieur de Bellai le raconte fort bien en ses Mémoires [3]. Le second fils de François Ier. régna après lui sous le nom de Henri II. Il ne faut point douter qu’il ne donnât beaucoup de chagrins à son père, lorsqu’il entretenait correspondauce avec Montmorenci disgracié, et qu’il formait une faction contre la duchesse d’Étampes, favorite de son père. Il forma cette faction avec Diane de Poitiers, sa maîtresse, et l’on ne saurait dire le mal que ces deux femmes causèrent par leurs jalousies [4]. Si la division qui régna entre la maîtresse du père et la maîtresse du fils, causa des chagrins au roi, la discorde qu’il y eut entre le dauphin et son frère le duc d’Orléans, ne fut pas une source moins féconde d’amertume et de dommage. La faction de la duchesse d’Étampes prit le parti du duc d’Orléans. Celle de Diane de Poitiers traversa ce prince, et l’empoisonna enfin. Voyons ce qu’en dit Mézerai. Le duc d’Orléans, prince de grande espérance, mourut le 8 septembre, à Forest-Moustier, soit de peste, soit d’un poison qu’on soupçonna lui avoir été donné par les créatures de son frère. Car elles ne pouvaient souffrir que le roi le chérît si fort qu’il faisait, et qu’il se fâchât de ce que le dauphin malgré ses défenses entretenait commerce avec le connétable de Montmorenci, dont elles souhaitaient le retour, parce que leur maître le désirait ardemment [5]. Quel chagrin ne fut-ce point à François Ier., de voir que son propre fils, en s’ingérant plus qu’il ne fallait dans les affaires, le contraignait à prendre des précautions qui ne lui étaient ni agréables, ni avantageuses ? La faction du dauphin fut cause que le roi donna les mains au traité de paix de Crespy. Le dauphin avait écrit à son père une lettre du consentement des hauts officiers des troupes, pour demander à sa majesté qu’il lui plût renvoyer le connétable à l’armée pour y faire sa charge, et qu’il ne manquait plus que ce chef pour la rendre invincible... Le roi n’avait jamais eu tant de dépit qu’il en témoigna en lisant cette lettre. Il se plaignit que son fils anticipait sur son autorité, et que ses officiers prétendaient lui donner la loi. Il parla de son mécontentement à toutes les personnes qui l’abordèrent, et fit une réprimande sévère à ceux qui l’avaient fâché. Il avertit fièrement le dauphin, que c’était à lui de montrer à ses sujets l’exemple d’une parfaite obéissance ; et non pas de censurer sa conduite, en lui proposant dans une occasion dangereuse ce rétablissement d’un favori disgracié avec connaissance de cause. Il menaça les autres de son aversion, s’ils persistaient dans leur imprudence ; et la brigue de la duchesse d’Étampes, profitant de son chagrin, lui représenta si efficacement que l’unique moyen de se délivrer pour toujours des importunités qui lui pourraient être faites en faveur du connétable, consistait à conclure promptement la paix, que sa majesté en donna l’ordre à l’amiral d’Annebaut, etc. [6]. « Cette paix étant plus avantageuse au duc d’Orléans qu’à la France, le dauphin, qui ne pouvait souffrir ni l’agrandissement de son frère, ni le dommage du royaume, fit des pro-

  1. Le père Anselme, Histoire de la Maison royale, pag. 136.
  2. Là même. Il dit qu’on l’empoisonna à Valence ; mais Brantôme, tom. I, pag. 336, dit mieux, qu’on l’empoisonna à Lyon.
  3. Brantôme, tom. I, pag. 338.
  4. Voyez l’article Étampes, pag. 300.
  5. Mézerai, Abrégé chronol., tom. IV, pag. 635, à l’ann. 1545.
  6. Varillas, Histoire de François Ier., liv. XI, pag. 108, à l’ann. 1544.