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GOLDAST

maintes malaises où sa femme se donnait du bon temps : et peut estre qu’a telle heure que le bon homme pensoit à elle, et prioit Dieu qu’il la conservast que celuy qu’elle a dernierement pris la tenoit entre ses bras et n’avait garde de peril. Lors il oit dire qu’elle est mariée : or jugez quelle aachée [* 1] il a d’ouyr telles nouvelles....... Or arrive au pays, et scait la chose certainement ; s’il est homme d’honneur jamais ne la prendra, l’autre qui l’avoit prise, qui s’en est donné du bon temps, la laissera. Ainsi elle est perdue à son honneur, et par advanture affollera du tout. Le bon preud’homme en aura une douleur perpetuelle que jamais il n’oubliera, ses enfans seront aucunement ahontis par la faute de leur mère, l’un ny l’autre ne se pourront plus marier la vie durant l’un de l’autre.

(F) Le journal de Hambourg me fournira un bon supplément de cet article. ] M. Dartis, en parlant [1] d’une historiette de M. le Noble, intitulée Zulima ou l’amour pur, observe que la première idée de ce roman a été prise d’un mémoire tiré des archives de la maison de Gleichen, qui descend du prince de Westphalie principal héros de cette nouvelle historique. Il s’appelait Ébherard, et ayant été pris à la bataille de Joppa, que le sultan Noradin gagna sur les chrétiens croisés, il fut si heureux qu’il donna de l’amour à la fille de ce sultan. Elle lui aida à briser les fers de son esclavage, passa avec lui en Europe, et fut sa seconde femme après la mort de celle qu’il avait épousée quelque temps avant de se croiser. M. le Noble cite pour témoin irréprochable de la verité de cette histoire le tombeau où reposent les cendres de ce prince et de ses deux femmes. On le voit, dit-il, encore à Herford en Westphalie, où il faisait sa résidence. C’est sur ce fondement qu’il a bâti les intrigues d’un amour pieux qui aboutit premièrement à la conversion de la sultane, et ensuite à son mariage avec le prince westphalien. Il dit en un autre lieu [2] que les faiseurs de roman sont obligés de suivre l’histoire lorsqu’ils donnent dans une préface le fondement de leurs fictions. C’est pourtant, ajoute-t-il, ce que M. le Noble' n’a point fait dans l’avertissement qu’il a mis à sa Zulima, comme il paraîtra par l’extrait d’une lettre que j’ai reçue de bon lieu sur ce sujet. Le voici. « On voit bien par ce que vous rapportez du petit livre de M. le Noble, qu’il a tout brouillé. Éberhard, duc de Westphalie, est un Personnage absolument inconnu à l’hisloire ; et s’il vivait du temps de Noradin, prince serrasin du XIIe. siècle, comment pouvait-il être auteur de ces comtes de Gleichen qui prétendaient d’avoir reçu leur comté de Charlemagne, et qui du moins sont plus anciens que les guerres d’outre-mer ? La maison des comtes de Gleichen est éteinte, et je crois que ce qu’on prétend avoir tiré de leurs archives est aussi fabuleux que le reste du petit roman. Il est vrai cependant qu’il y a une tradition, confirmée par quelques chroniques modernes, qui porte qu’un comte de Gleichen amenant sa liberatrice de delà la mer, et retrouvant sa première femme, trouva le moyen de les garder toutes deux en bonne intelligence entre elles, et de l’aveu (dit-on) de l’église, en quoi il y a peu d’apparence. On peut tenir pour assuré qu’il n’y a point de monument du duc Éberhard de Westphalie ni à Erford ni à Hervorde. Les comtes de Gleichen étaient voisins d’Erford en Turinge, et n’avaient rien de commun avec Hervorde en Westphalie. »

  1. (*) Aachée est mis ici pour ce qu’autrefois on a appelé marrisson, ce mot est formé de l’interjection Aah ! Rem. crit.
  1. Journal de Hambourg, du 26 d’août 1695, pag. 142.
  2. Journal de Hambourg, du 30 de septembre 1695, pag. 219, 220, 221.

GOLDAST [a] (Melchior Haiminsfeld), natif de Bischoff-

  1. Par les lettres latines qu’on lui écrivait, il paraît qu’on l’appelait indifféremment Goldastus, ou Goldinastus, ou Guldinastus. Ses prénoms étaient latinisés, Melchior, ou Melior Heiminsfeldius, ou Haiminsfeldius, ou Hamenveltus, ou Hamenvelto, ou Hamenevelto.