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DICTIONNAIRE
HISTORIQUE ET CRITIQUE
DE PIERRE BAYLE.
HEN.

HÉNAULT [* 1] ( N.), poëte français au XVIIe. siècle, « auteur du sonnet de mademoiselle de Guerchi (A), et maître de madame Deshoulières, a eu assez de réputation à Paris de son vivant, et elle subsiste encore, quoiqu’il soit mort il y a quatorze ans [a]. Il est vrai que son mérite n’étant pas imprimé (B), pour parler comme M. Ménage, sa réputation n’a pu s’étendre comme celle de bien d’autres, qui à Paris n’ont jamais joui d’une réputation aussi grande que la sienne. C’est un homme d’esprit et d’érudition, aimant le plaisir avec raffinement, et débauché avec art et délicatesse ; mais il avait le plus grand travers dont un homme soit capable : il se piquait d’athéisme et faisait parade de son sentiment avec une fureur et une affectation abominables. Il avait composé trois différens systèmes de la mortalité de l’âme (C), et avait fait le voyage de Hollande exprès pour voir Spinosa, qui cependant ne fit pas grand cas de son érudition. À la mort les choses changèrent bien ; il se convertit, et voulait porter les choses à l’excès : son confesseur fut obligé de l’empêcher de recevoir le viatique au milieu de sa chambre, la corde au cou. D’Hénault n’était point de naissance : son père était boulanger, et lui avait été d’abord receveur des tailles de Forez où il n’avait pas bien fait ses affaires. Il a montré à madame Deshoulières tout ce qu’il savait et croyait savoir : on prétend qu’il y paraît dans les ouvrages de cette dame (D). » Voilà l’extrait d’une lettre qu’un habile homme me fit l’honneur de m’écrire le 27 avril 1696. Il m’en écrivit une autre, le 9 de juillet 1697, dans laquelle il me fit savoir que d’Hénault a fait un factum de M. Clodoré, gouverneur de la Martinique, contre M. de la Barre, gouverneur des îles d’Amérique, et un mani-

  1. * Il était né à Paris, dit Leclerc, et s’appelait Jean Hesnault.
  1. C’est-à-dire en 1682.