Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
90
MAHOMET.

suspendue au milieu de son temple, sans que rien la soutînt. Mais on n’entreprit rien de semblable en faveur du cadavre de Mahomet. Voyez ci-dessus[1] ce qui concerne la statue d’Arsinoé.

(GG) Il court plusieurs prédictions qui menacent le mahométisme depuis long-temps. ] Bibliander[2] assure qu’il y a une prophétie célèbre parmi les mahométans, qui fait beaucoup de peur et aux hommes et aux femmes, et qui porte que leur empire sera ruiné par l’épée des chrétiens. Voici en quels termes est conçue cette prophétie, traduite de persan en latin par Georgievitz[3]. Imperator noster veniet, gentiliun regnum capiet, rubrum malum capiet, subjugabit septem usquè ad annos ; ethnicorum gladius si non resurrexerit, duodecim usquè ad annos in eos dominabitur, domum ædificabit, vineam plantabit, hortos sepe muniet, filium et filiam habebit : duodecim post annos christianorum gladius insurget, qui et Turcam retrorsùm profligabit. Sansovin[4] publia un livre l’an 1570, où il assure qu’il y a une prédiction que les lois de Mahomet ne dureront que mille ans, et que l’empire des Turcs finira sous le quinzième sultan[5]. il ajoute que Léon le philosophe, empereur de Constantinople, a dit dans l’un de ses livres, qu’une famille blonde avec ses compétiteurs mettra en fuite tout le mahométisme, et prendra celui qui possède les sept montagnes. Familia flava cum competitoribus totum Ismaëlem in fugam conjiciet, septemque colles possidentem cum ejus possessionibus capiet. Le même empereur fait mention d’une colonne qui était à Constantinople, et dont le patriarche du lieu expliqua les inscriptions de telle sorte, qu’elles signifient que les Vénitiens et les Moscovites prendront la ville de Constantinople, et qu’après quelques disputes ils éliront d’un commun accord, et couronneront un empereur chrétien[6]. Cette famille blonde, si fatale aux musulmans, me fait souvenir d’un passage de M. Spon que je m’en vais rapporter. « De tous les princes de la chrétienté, il n’y en a point que le Turc craigne tant que le grand czar de Moscovie... Aussi ai-je ouï dire à quelques Grecs, entre autres au sieur Manno-Mannéa, marchand de la ville d’Arta, homme d’esprit et d’étude pour le pays, qu’il y avait une prophétie parmi eux, qui portait que l’empire du Turc devait être détruit par une nation Chrysogenos, c’est-à-dire blonde, ce qui ne peut s’attribuer qu’aux Moscovites qui sont presque tous blonds[7]. » Il est parlé de ceci dans les Pensées diverses sur les Comètes[8], à l’occasion de je ne sais quelle tradition que l’on fait courir, que c’est aux Français que les destinées promettent la gloire de ruiner les Turcs[9]. Voyez la remarque (F) de l’article Marets (Jean des). La prophétie des Abyssins ne désigne qu’un roi chrétien, dont la patrie sera au septentrion. Mentionem facit Duret, hist. des Langues, fol. 575. cujusdam prophetiæ, quam magni æstimant Abyssini : quòd nempé, aliquandò Mecca, Medina, aliæque fœlicis Arabiæ urbes, destruentur, Mahometique et ejus symmystarum cineres dissipabuntur ; hæcque omnia facturus sit rex aliquis Christianus, in regionibus septentrionalibus natus ; qui pariter Ægyptum et Palæstinam sit occupaturus [10]. On prétend qu’il fut fait un livre en arabe touchant cette prophétie, avant la prise de Damiette, et que ce livre fut trouvé par les chrétiens [11]. Wallichius[12] rapporte que les Turcs trouvent dans leurs

  1. Citation (196).
  2. De Ratione communi omnium Linguar., apud Besoldum, Considerat. Legis et Sectæ Sarracenorum, pag. 47.
  3. Apud Besoldum, ibidem, pag. 47.
  4. Voyez Wolfius, Lect. Memorab., tom. II, pag. 803.
  5. C’est Sélim II, qui régnait alors.
  6. Wolfius, Lect. Memorab., tom. II, pag. 803.
  7. Spon, Voyages, tom. I, pag. 270, édition de Hollande.
  8. Pag. 783.
  9. Voyez plusieurs autorités là-dessus, dans les Pensées sur les Comètes, pag. 781.
  10. Besoldus, Consider. Legis et Sectæ Sarracenorum, pag. 48.
  11. Voyez Hottinger, in Thesauro Philologico.
  12. In Vitâ Mahometis, pag. 158, apud Schultetum, Eccles., Muhammedan., pag. 22.