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MAJORAGIUS.

était laissé attraper ; car Gryphius, répondant à une lettre de Majoragius, avait pris le style d’un homme qui aurait écrit à un prince. Eâdem ratione deceptus aliquandò fuit in nomine meo vir insignis ac litteratus Sebastianus Gryphius. Cùm enim ad eum litteras dedissem, et me Comitem inscripsissem, ille mihi tanquàm alicui principi respondit, et clarissimum Comitem non semel appellavit [1].

(B) Il fut si appliqué à l’étude, qu’il en pensa perdre la vie. ] Les divertissemens, les jeux, les festins, n’avaient pour lui aucun charme ; et on avait beau l’avertir qu’une application si forte aux livres le tuerait, il ne se relâchait point ; mais enfin une dangereuse maladie lui fit sentir qu’il aurait fallu déférer aux exhortations de ses amis. C’est lui-même qui nous apprend. Fui apud hunc annos circiter quinque ; quo quidem tempore litterarum studiis adeò vehementem operam dedi, ut totum illud quinquennium in labore atque contentione animi contriverim, ut me non quies, non remissio, non æqualium studia, non ludi, non convivia delectarint. Testis est vir iste gravissimus atque ornatissimus Lancillottus Fannianus, patronus meus, qui mihi adest, de me sollicitus est, meum honorem atque existimationen tuetur. Qui cùm in studiis litterarum me continenter versari videret, magno quodam cum amore sæpissimè reprehendere solebat, quòd acquirendæ scientiæ desiderio, propriæ salutis obliviscerer. Testes sunt omnes, qui me nôrant eo tempore, ut non semel propter nimis assiduum studium, cùm in gravissimos morbos incidissem, de vitæ periculo dimicârim [2]. Après qu’il fut guéri, il n’eut pas moins de besoin qu’on l’avertît qu’il travaillait trop : l’amour des sciences et de la gloire l’entraînait de telle sorte, qu’il ne songeait point au préjudice que sa santé en pourrait encore souffrir. Quo quidem munere (oratoriam artem publicè docendi) duos annos ita perfunctus sum, ut (ne quid arrogantius de me dicam) nemo diligentiam aut industriam meam desiderârit. Quin potiùs ita noctes et dies in omnium doctrinarum meditatione versabar, ut non tantùm propinqui atque necessarii mei, sed etiam multi ex vobis, P. C. me sæpissimè reprehenderent, quòd nimios magnos labores et viribus meis impares assumere non dubitarem. Ardebam enim (ut ingenuè fatear) incredibili gloriæ cupiditate, quam in adolescente nequaquàm esse vituperandam sapientes omnes existimant. Nullum igitur omninò diem esse patiebar, in quo non aut publicè docerem, aut privatè mecum ipse meditarer, et vel scriberem, vel declamaren : frequenter autem eodem die hæc omnia faciebam [3].

(C) Il publia quelques pièces où il se donna le nom de Marcus Autonius Majoragius. ] J’ai de la peine à le trouver juste dans ses calculs. Il expose dans son plaidoyer [4], qu’étant à Ferrare il résolut par le conseil de ses amis de faire imprimer quelques traités. C’étaient des harangues, et l’Apologie de Cicéron contre Calcagninus [5]. Depuis qu’elles eurent vu le jour, il commença d’être connu à Ferrare sous le nom qu’il s’était donné à la tête de ses écrits. Ensuite il retourna à Milan, et il y reprit sa première profession, nonobstant les mauvais offices de ses ennemis. Quelque temps après on l’accusa de son changement de nom, comme nous le dirons dans la remarque suivante. On n’accorde pas cela aisément avec l’épître dédicatoire de sa Réponse à la Critique de Calcagninus : elle est datée du 8 de juillet 1543 ; et il y parle comme un homme qui exerçait tranquillement à Milan les fonctions de sa profession. Il n’est donc pas vrai que ce livre soit sorti de dessous la presse pendant que l’auteur se tint à Ferrare, où il s’était retiré lorsque les désordres de la guerre interrompirent les leçons publiques dans la ville de Milan. Autre remarque : il naquit le 26 d’octobre 1514 [6], et il fut fait professeur en rhétorique ayant à peine vingt-six ans [7], c’est-à-dire l’an 1540. Il exerça cette charge pendant deux ans, et puis il s’en

  1. Majoragius, orat. X, pag. 222.
  2. Idem, ibidem, pag. 196.
  3. Majoragius, orat. X, pag. 198.
  4. Orat. X, pag. m. 199.
  5. Ibidem, pag. 200.
  6. Hankius, de Rerum Roman. Scriptoribus, lib. I, pag. 215.
  7. Majoragius, orat. X, pag. 198.