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MAMILLAIRES.

qu’un jeune homme se donna de mettre la main au sein d’une fille qu’il aimait, et qu’il voulait épouser. Cet attouchement parvint à la connaissance de l’église, et là-dessus on délibéra sur les peines que le délinquant devait souffrir : les uns soutinrent qu’il devait être excommunié, les autres dirent que sa faute méritait grâce, et ne voulurent jamais consentir à son excommunication. La dispute s’échauffa de telle sorte qu’il se forma une rupture totale entre les tenans. Ceux qui avaient témoigné de l’indulgence pour le jeune homme furent nommés Mamillaires [a] (A). En un certain sens cela fait honneur aux anabaptistes ; car c’est une preuve qu’ils portent la sévérité de la morale beaucoup plus loin que ceux que l’on nomme rigoristes dans le Pays-Bas Espagnol (B). Je rapportera à ce propos un certain conte que l’on fait du sieur Labadie (C). J’ai ouï dire que des gens d’esprit soutinrent un jour dans une conversation qu’il n’y aura jamais de basiaires, ou d’osculaires, entre les anabaptistes (D).

  1. Voyez Stoupp, Religion des Hollandais, lettre III, pag. m. 61. Voyez aussi le Syntagma de Micrælius, pag. 1012.

(A) Mamillaires. ] Il n’est pas besoin de faire ici l’étymologiste. Tous ceux qui entendent le français savent que le mot mamelle, qui n’est plus du bel usage, signifie la même chose que téton.

(B) Les anabaptistes.….... portent la sévérité de la morale beaucoup plus loin que.... les rigoristes...... du Pays-Bas espagnol. ] Les casuistes les plus relâchés, les Sanchez et les Escobars, condamnent l’attouchement des tétons : ils conviennent que c’est une impureté, et une branche de la luxure, l’un des sept péchés mortels. Mais, si je ne me trompe, ils n’imposent pas au coupable une pénitence fort sévère : et il y a plusieurs pays dans l’Europe où ils sont presque contraints de traiter cela comme les petites fautes que l’on appelle quotidianæ incursionis. On est si accoutumé à cette mauvaise pratique dans ces pays-là, et c’est un spectacle si ordinaire jusques au milieu des rues, à l’égard surtout du commun peuple, que les casuistes mitigés se persuadent que cette habitude efface la moitié du crime : ils croient qu’on ne l’envisage point sous l’idée d’une liberté fort malhonnête, et que le scandale du spectateur est très-petit. C’est pourquoi ils passent légèrement sur cet article de la confession. Je ne pense pas que jamais aucun rigoriste ait différé pour un tel sujet l’absolution de son pénitent, non pas même dans les climats où cette espèce de patinage est peu usitée, et passe pour une de ces libertés dont les personnes de l’autre sexe sont obligées de se fâcher tout de bon. Ainsi les anabaptistes sont les plus rigides de tous les moralistes chrétiens, puisqu’ils condamnent à l’excommunication celui qui touche le sein d’une maîtresse qu’il veut épouser, et qu’ils rompent la communion ecclésiastique avec ceux qui ne veulent pas excommunier un tel galant.

(C) Je rapporterai un certain conte que l’on fait du sieur Labadie. ] Tous ceux qui ont ouï parler de ce personnage savent qu’il recommandait à ses dévots, et à ses dévotes, quelques exercices spirituels, et qu’il les dressait au recueillement intérieur et à l’oraison mentale. On dit qu’ayant marqué à l’une de ses dévotes un point de méditation, et lui ayant fort recommandé de s’appliquer toute entière pendant quelques heures à ce grand objet, il s’approcha d’elle lorsqu’il la crut la plus recueillie, et lui mit la main au sein. Elle le repoussa brusquement, et lui témoigna beaucoup de surprise de ce procédé, et se préparait à lui faire des censures lorsqu’il la prévint. Je vois bien, ma fille, lui dit-il sans être déconcerté, et avec un air dévot, que vous êtes encore bien éloignée de la per-