Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
187
MANDUCUS. MANICHÉENS.

de Jérôme Mancionus, Napolitain, à qui César Borgia fit couper la langue[1].

  1. Cùm Hieronymus Mancionus Neapolitanus adversùs Cæsarem Borgiam usus esset talibus aculeatis sermonibus et à Cæsare linguæ mutilatione in illum animadversum est. Aug. Niphus, de Aulico, lib. I, in fine, pag. m. 337.

MANDUCUS. C’est ainsi que les Romains nommaient certaines figures, ou certains personnages, qu’ils produisaient à la comédie, ou dans d’autres jeux publics (A), pour faire rire les uns, et pour faire peur aux autres. Il n’est pas malaisé de deviner pourquoi on nommait ainsi ces personnages. Il ne faut que se souvenir qu’on leur donnait de grandes joues, une grande bouche ouverte, des dents longues et pointues, qu’ils faisaient craqueter à merveilles. Juvénal nous apprend que les enfans en étaient fort épouvantés[a]. C’est de là sans doute que les mères prirent occasion de menacer leurs enfans qui ne voulaient pas faire ce qu’elles leur commandaient, que Manducus les viendrait manger [b]. On en fit donc un épouvantail nocturne, ou un spectre. Cela ne s’accordait pas mal avec la tradition des Lamies ; car on disait aussi qu’elles dévoraient les enfans. S’il en faut croire Scaliger (B), Manducus a été nommé Pytho Gorgonius, par un poëte qui intitula ainsi une pièce de théâtre. Ce poëte s’attachait surtout aux comédies que l’on nommait Atellanes, où cette manière de marionnettes dont je parle avait lieu principalement. Nos remarques contiennent la preuve de tout ceci. Dans un parallèle entre l’ancien et le moderne, on devrait apparier ensemble le Manducus et le Loup-garou. Voyez notre article d’Acco, tome I.

  1. Tandemque redit ad pulpita notum
    Exodium, cum personæ pallentis hiatum
    In gremio matris formidat rusticus infans.
    Juven., sat. III, vs. 174.

  2. Voyez le Commentaire sur les Emblèmes d’Alciat, pag. 717 de l’édition de Padoue 1661.

(A) Ou dans d’autres jeux publics. ] Je le prouve par ces deux vers de Plaute[1] :

Ch. Quid si aliquo ad ludos me pro Manduco locem ?
La. Quapropter ? Ch. Quia pol clarè crepito dentibus.


Sur quoi le commentateur Philippe Paréus fait cette note qu’il emprunte de Scaliger[2] : Manducus est μορμολυκεῖον quod in ludis circumferebatur inter cæteras ridicularias et formidolosas personas, magnis malis, latèque dehiscens et clarè crepitans dentibus. Scaliger ajoute que cela se faisait principalement lorsqu’on jouait les Atellanes, et cite le passage que j’ai rapporté de Juvénal. Dentes, poursuit-il, magnos et voracitatem attribuebant nocturnis illis terriculamentis ; quo nomine factum ut Lamiam puerorum infantium deglutricem fingerent.

(B) S’il en faut croire Scaliger. ] Voici la suite des paroles alléguées dans la remarque précédente. Indè Pomponius Atellanarius poëta inscripsit exodium quoddam Pythonem Gorgonium, qui nihil aliud erat, ut puto, quàm ille Manducus, de quo dixi. Nam Pythonem pro terriculamento, et Gorgonium pro Manduco, quia γοργόνες cum magnis dentibus pingebantur. Itaque apud Nonium ita leges, Gumiæ Gulosi. Lucillius libro xxx.

Illo quid fiat Lamia, et Pytho oxyodontes,
Quo veniunt illæ gumiæ, vetulæ, improbæ, ineptæ.

  1. Rudent., act. II, sc. VI, vs. 51.
  2. Scalig. in Varron., de Ling. lat., p. 150.

MANICHÉENS[* 1], hérétiques

  1. * Leclerc, trouvant trop longue la discussion de cent endroits de cet article, renvoie