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MARCA.

ge à Paris au mois de septembre de la même année ; et il y mourut le 29 de juin 1662, peu après avoir obtenu les bulles pour l’archevêché de cette ville (H), auquel il avait été nommé sans aucune brigue, dès que le roi eut reçu la démission du cardinal de Rets. Il laissa le soin de ses manuscrits à M. Baluze, qui était à lui depuis le 29 de juin 1656 [a]. Il ne pouvait pas choisir un plus digne dépositaire ; car M. Baluze a fait voir depuis ce temps-là, qu’avec un grand zèle pour la gloire du défunt il avait toute la capacité que demandait la publication de ce dépôt (I). Il promettait la vie de son Mécène, comme un ouvrage fort ample où l’on verrait le détail des belles actions et des grandes qualités de ce prélat. Je crois qu’il n’a pas exécuté ce dessein. Le public y a perdu beaucoup ; quoique la lettre que j’ai citée [b], et où j’ai pris le narré chronologique que l’on vient de voir, explique fort nettement et avec quelque étendue les vertus, le mérite et les actions de cet archevêque. Quelque temps après on vit paraître sa vie, composée par l’abbé Faget, qui l’accompagna de trois ou quatre dissertations ; ce qui fit naître une dispute entre lui et M. Baluze (K). Il y a dans l’ouvrage de cet abbé beaucoup de petites particularités, que l’on apprend avec assez de plaisir quand on se plaît à connaître tout ce qui regarde les grands personnages. On y voit de quelle manière M. de Marca renonçait à tous les plaisirs de la jeunesse pour l’amour des livres, pendant qu’il était écolier. Il sut bien prédire à ses camarades, qui perdaient leur temps à de vaines occupations, la différence qu’il y aurait un jour entre leur gloire et la sienne (L). Ce fut à Toulouse qu’il jeta les fondemens de son grand savoir : il n’oublia pas à y devenir bon grec (M), ce qui l’a fort distingué des autres savans. L’une de ses principales qualités était de se faire jour dans les matières les plus embrouillées, sans avoir besoin de guide (N).

  1. Tiré d’une lettre latine de M. Baluze, écrite à Sorbière, de Vitâ, Rebus gestis, Moribus, et Scriptis illustrissimi viri Petri de Marca imprimée à Paris, l’an 1663, in-8°.
  2. Elle a été augmentée à la tête du livre de Concordiâ Imperii et Sacerdotii, édition de 1669.

(A) Il fut baptisé par un prêtre au diocèse de Tarbes. ] L’exercice de la religion romaine était interdit dans le Béarn, depuis l’édit de l’an 1569 ; de sorte que le peu de catholiques qui restaient dans le pays étaient contraints, faute de prêtres, de faire baptiser leurs enfans aux temples de ceux de la religion [1]. Jacques de Marca ne voulut point suivre leur exemple. Il fit porter son fils au monastère de Saint-Pierre de Genères, dans la Bigorre. Ce fut là que notre archevêque fut baptisé par un religieux bénédictin, qui faisait la charge de curé de la paroisse. Ceci réfute Patin, qui dit quelque part que ce prélat était né de la religion. Voyez la remarque suivante.

(B) Il ne fut pas le premier de sa famille qui eut des charges dans la robe. ] La famille de Marca doit son origine à Garsias de Marca, qui commandait la cavalerie de Gaston, prince de Béarn, au siége de Saragosse, l’an 1118. Ses descendans s’attachèrent à la profession des armes ; mais on trouve environ l’an 1440, un Pierre de Marca, bon jurisconsulte,

  1. Stephanus Baluzius, de Vitâ et Rebus gestis Petri de Marca, pag. 8, edit. 1663, in-8°.