Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/216

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
206
MARCA.

qui après avoir été le procureur général du prince son maître, dans tous ses états, fut fait président de ses conseils[1]. J’ai lu dans un livre qui fut imprimé du temps de la ligue, qu’un de Marqua, second président au parlement de Pau, ne put jamais être reçu ou remis en son état.…… qu’il n’eût fait la protestation ordinaire contre la messe, et ce avec la profession de la foi calvinienne, ordonnée par la feue reine de Navarre, mère de Henri-le-Grand[2]. Ceci réfute Gui Patin, qui assure que notre M. de Marca était de bas lieu. Rapportons le passage : il contient bien des mensonges ; car, pour ne rien dire du reste, il est faux que ce prélat ait jamais été ni ministre ni jésuite. Nous aurons ici un exemple des faux bruits qui courent contre les grands : on ne saurait trop ramasser de ces exemples, afin d’accoutumer un peu le monde à l’esprit d’incrédulité à cet égard. « On nous apprend ici que l’archevêché de Toulouse a été conféré à M. de Marca, évêque de Conserans, moyennant cinquante mille écus qu’il a donnés au cardinal Mazarin. Voilà une grande fortune pour cet homme ambitieux. Il était de bas lieu : après avoir étudié, il devint ministre du parti des réformés[3], dont il était. S’étant changé il devint jésuite : puis ayant quitté la société il se maria, et devint conseiller au parlement de Pau, puis président ; ensuite il vint à Paris, et par la faveur de M. le chancelier Séguier, il fut fait conseiller d’état ordinaire, après intendant de justice en Catalogne, puis évêque de Conserans, après avoir long-temps attendu ses bulles, qu’il ne pouvait avoir de Rome, à cause de la querelle qu’il avait avec les jésuites, depuis qu’il les avait quittés, et qu’enfin il n’a eues qu’en se raccommodant avec eux. À la fin le voilà archevêque de Toulouse. Quand il aura payé ses dettes, si un bonnet rouge se présentait à vendre, il est sûr qu’il l’achèterait aussi. Je ne saurais mieux comparer M. de Marca, qu’à défunt M. le Jay, qui, de très-peu de chose, était devenu premier président au parlement de Paris[4]. »

(C) On s’était déja servi de sa plume pour un ouvrage de grande importance. ] L’Histoire du Béarn, qu’il publia l’an 1640, confirma extrêmement la bonne opinion qu’on avait conçue de son savoir et de sa grande capacité. On crut donc qu’il serait fort propre à travailler sur une matière délicate et importante qui se présenta peu après. Le volume des libertés de l’église gallicane, que Pierre du Puy avait mis au jour, alarma les partisans de la cour de Rome, et il y en eut qui tâchèrent de persuader que c’était les préliminaires d’un schisme médité par le cardinal de Richelieu ; comme si cette éminence eût songé à l’érection d’un patriarcat dans le royaume, afin que l’église gallicane ne dépendît point du pape. Un théologien français, sous le nom d’Optatus Gallus[5], écrivit sur ce sujet, et insinua que le cardinal avait gagné un grand personnage, qui ferait l’apologie de cette érection. Ce grand personnage n’était autre que notre Pierre de Marca. Sequens mensis Martius materiam præbuit novis sermonibus, ob editionem libelli Parœnetici ad Antistites regni, de cavendo schismate, quod præ foribus adesse nunciabat Optatus Gallus. Sub eo namque nomine latere voluit auctor : salis alioqui cognitus, si larvam illi detrahere liberet. Occasionem turbandi sumebat ex editione voluminum de Libertatibus ecclesiæ gallicanæ, quæ anno superiore prodierant curâ clariss. viri Petri Puteani ; atque item ex rumore vulgi, disserentis eam cardinali Richelio mentem esse, ut omisso episcopo romano, patriar-

  1. Stephanus Baluzius, de Vitâ et Rebus gestis Petri de Marca, edit. 1663, in-8°., p. 6, 7.
  2. Réponse des vrais Catholiques français à l’Avertissement des Catholiques anglais, p. 53, édition de 1589.
  3. Notez que pour justifier Patin on ne peut pas alléguer la contrainte qui fut faite au président de Marca (voyez ci-dessus, citation (3)) ; car notre Pierre de Marca était fils d’un homme d’épée. Il n’avait donc pas été assujetti à l’abjuration, afin de conserver une charge. Voyez la Vie de Pierre de Marca, par l’abbé Faget, pag. 7, 8.
  4. Patin, lettre LXIX, pag. 294 du Ier. tome, datée du 28 juin 1652.
  5. C’était un prêtre de Paris nommé Hersens. Voyez la Vie du père Morin, pag. 52. Le jésuite Michel Rabardeau lui fit une réponse qui fut censurée à Rome. Voyez Théophile Raynaud, de bonis et malis Libris, num. 514, p. m. 293.