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MARCA.

lucinationes meas deprecatus sum ; Opus censuræ beatitudinis vestræ submisi quam pronâ mente amplexurum voveo, et assertorem vindicemque libertatis ecclesiasticæ futurum[1]. Il n’oublia pas dans son livre le grand service qu’il prétendait avoir rendu aux ultramontains, en publiant la décrétale du pape Vigile[2]. La cour de Rome, selon ses finesses ordinaires, continua d’user de remises depuis cette ample satisfaction ; mais enfin M. de Marca obtint ses bulles au mois de janvier 1645. Il fut ordonné prêtre à Barcelone, au mois d’avril 1648, et sacré évêque à Narbonne, au mois d’octobre suivant. On le mit à l’épreuve cette année-là, et il fit voir qu’il avait promis de bonne foi un grand zèle pour les intérêts du pape. On voulut savoir son sentiment sur une question qui faisait du bruit[3], et il le donna tel qu’Innocent X le souhaitait. Mota erat temporibus illis gravis quæstio, de duplici capite in ecclesiâ, plerisque unicum tantum caput, videlicet B. Petrum, in eâ constituentibus ; quibusdam verò censentibus Paulum quoque ecclesiæ caput cum Petro fuisse. Cùm hæc quæstio distraheret in partes ingenia hominum eruditorum, atque interim dignitas romanæ sedis tentari videretur : Innocentius, qui apprimè noverat Marcam in primis ecclesiasticæ antiquitatis peritum esse, ratus prætereà evenisse occasionem quâ ejus animum ergà sedem romanam experiretur, aperire sententiam jubet. Ille nihil cunctatus, Exercitationem Barcinone v kalendas junii anno m. dc. xlvii. scripsit de singulari primatu Petri, quæ nondùm edita est : quam Innocentio, ad quem statim missa est, valdè placuisse ex eo intellectum est, quòd eam publicè legi jussit, ac singularem quandam de Marcæ in sedem romanam propensione accepit opinionem[4].

Concluons deux choses de ce narré : la 1re., que c’est une servitude très-fâcheuse à la cour de France, que d’avoir besoin des bulles du pape pour établir des évêques ; car cela fait que ceux qui seraient capables de bien maintenir les libertés de l’église gallicane, et les intérêts du roi dans ses démêlés avec Rome, n’osent employer toutes leurs forces. Ils aspirent aux prélatures, et ils voient qu’ils n’y pourront jamais parvenir s’ils se rendent trop odieux à la cour de Rome ; ou du moins qu’il faudra qu’ils fassent des satisfactions honteuses. Il n’y a pas long-temps[5] que cela est arrivé à quelques membres de l’assemblée du clergé de l’an 1682. La 2e. chose que je veux conclure est que M. Sallo n’a pas eu raison de prendre pour un artifice ce qu’on fit à Rome, l’an 1664, contre la nouvelle édition de l’ouvrage de M. de Marca. On prétendit que M. Baluze avait publié ce livre ex retractatis scriptis Petri de Marca. Cela n’était pas sans fondement. Ce prélat ne chanta-t-il pas la palinodie dans l’écrit publié à Barcelone ? n’écrivit-il pas au pape pour lui demander pardon ? Rapportons les termes du décret, et la réflexion de M. Sallo. Decretum sacræ Indicis congregationis, quo damnati, prohibiti, ac respectivè suspensi fuerunt infrà scripti omnes libri Romæ, 17 novembris 1664. De Concordiâ sacerdotii et imperii, seu de Libertate ecclesiæ gallicanæ liber, à Stephano Baluzio impressus Parisiis, anno 1663. Perperàm adscriptus Petro de Marca, ex cujus retractatis scriptis aliorumque erroneis sententiis operâ præfati Baluzii editus est[6]. « La cour de Rome ayant toujours ses visées, il n’est pas trop sûr de s’attacher scrupuleusement à ses censures. C’est pourquoi ce décret ne doit pas empêcher qu’on ne fasse toujours autant d’estime qu’on faisait du livre des Libertés de l’église gallicane, composé par feu M. de Marca. En effet, il ne contient que des maximes très-constantes, et qui peuvent passer pour des lois fondamentales de cette monarchie. De même on n’aura pas moins bonne opinion de la sincérité de M. Baluze, quoiqu’on l’accuse dans ce décret d’avoir faussement attribué ce livre à M. de

  1. Baluzius, de Vitâ P. de Marca, pag. 32.
  2. Voyez la remarque (M).
  3. Celle des deux chefs de l’Église, saint Pierre et saint Paul.
  4. Baluzius, de Vitâ P. de Marca, pag. 37, 38,
  5. On écrit ceci le 18 de décembre 1695.
  6. Voyez le Journal des Savans, du 12 janvier 1665.